Une conférence-débat sur les «Perspectives de l’e-commerce en Tunisie» a eu lieu mercredi 25 avril 2019, pour échanger sur la situation actuelle de l’e-commerce dans le pays, ainsi que son potentiel, les obstacles entravant son développement et les opportunités qu’il offre. Classée au 79e rang mondial dans ce domaine, la Tunisie a encore du retard à rattraper.
Par Cherif Ben Younès
L’e-commerce, qui consiste en l’échange pécuniaire de biens ou de services via l’internet, est un secteur assez récent, mais dont l’intérêt de la Tunisie a été hâtif comparé à celui des pays de la région. En effet, une commission nationale de commerce électronique, ayant pour mission d’instaurer une stratégie de développement de cette activité et de proposer des solutions aux problématiques qui lui sont liées, a vu le jour dès la fin des années 90.
Les travaux de cette commission ont notamment permis la promulgation de la loi n°2000-83 du 9 août 2000, qui a mis en place un cadre réglementaire des échanges de l’e-commerce, conformément aux normes internationales.
La suite est moins heureuse, puisque l’e-commerce tunisien n’a pas pu s’imposer en tant que modèle de la modernisation du commerce dans le pays. Toutefois, il y a de la place pour l’optimisme, notamment au vu de quelques statistiques encourageantes liées au secteur, récoltées par la Chambre syndicale nationale du commerce électronique et de la vente (Sevad) : 58% des internautes ont acheté en ligne, sur le marché local, au moins une fois au cours des 12 derniers mois, dont 67% sont satisfaits de leurs achats et 79% ont l’intention de refaire l’expérience.
C’est dans ce contexte que la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) et la Sevad ont organisé, mercredi 25 avril 2019, à l’hôtel Movenpick de Tunisie, une conférence-débat sur le thème «Perspectives de l’e-commerce en Tunisie», sous le patronage du chef du gouvernement.
L’objectif de cette rencontre, animée par l’universitaire et journaliste Faouzi Moussa, a été d’échanger sur la situation actuelle du secteur de l’e-commerce en Tunisie, ainsi que son potentiel, les opportunités qu’il offre et les défis qu’il faut relever pour en tirer profit.
Mettre fin à l’attentisme et exploiter les perspectives
Chargé de donner le coup d’envoi de cette conférence, le président de la CTFCI, Fouad Lakhoua, a considéré que le thème de cet événement traduit parfaitement l’importance de l’innovation et de l’entrepreneuriat, en tant que levier de création de richesse et de croissance en Tunisie, appelant les commerçants et les responsables présents à «exploiter le grand potentiel que procure l’e-commerce, en levant les obstacles et en libérant les initiatives créatrices de valeur».
Il a par ailleurs souhaité que la Tunisie, dont le positionnement actuel dans le secteur est «très peu flatteur», puisse s’inspirer de certains pays en Afrique, à l’instar du Kenya, première nation au monde à avoir développé le paiement mobile. «Ces pays ont osé et réussi», a-t-il déclaré, soulignant que les transactions en ligne tunisiennes ont été évaluées à 48 millions d’euros en 2018, ce qui la place au 79e rang mondial. «Il est grand temps d’agir et de mettre un terme à l’attentisme qui ne peut être que préjudiciable pour notre pays», a-t-il conclu.
Le ministère du commerce travaille sur des solutions, selon son représentant
Lors de son allocution, Youssef Trifa, chef du cabinet du ministre du commerce, a d’abord exprimé sa joie de voir autant de personnes, notamment des étudiants, assister à la conférence (une centaine de présents environ, ndlr), ce qui témoigne, d’après lui, de l’importance dont jouit le secteur du commerce électronique en Tunisie, en particulier chez les jeunes.
«On est encore très loin de ce que devrait être l’e-commerce en Tunisie», a néanmoins regretté le représentant du gouvernement. Mais le bon côté des choses, a-t-il développé, est de voir que ce secteur est en train de connaître une nette amélioration, avec notamment une augmentation du taux des transactions en ligne et de leurs montants.
M. Trifa a souligné, d’autre part, que le ministère du commerce travaille intensivement, en partenariat avec la banque centrale de Tunisie (BCT), sur l’amélioration de l’environnement technique du paiement électronique, affirmant qu’à cet effet, il est primordial de faire preuve de continuité.
Le chef de cabinet a assuré, par ailleurs, que les sites de vente en ligne doivent générer, de leur côté, la confiance qu’il faut auprès des consommateurs en ligne. «Il y a tout un écosystème à mettre en place par rapport à cette confiance. Et sur ce plan-là, nous avons travaillé, en collaboration avec l’Institut national de la consommation (INC) et l’Organisation de la défense du consommateur (ODC), sur un ‘‘label de confiance’’ qui vise à garantir celle-ci auprès des clients en ligne», a-t-il poursuivi, appelant l’ensemble des sites de vente en ligne à y adhérer.
Ce label, a-t-il développé, est octroyé à tout site marchand tunisien satisfaisant les critères de transparence et de sécurité exigés, et offrant un service de qualité, notamment en ce qui concerne les délais et les frais de livraison, et le service après-vente.
Youssef Trifa a évoqué un autre aspect sur lequel le ministère du commerce travaille actuellement, à savoir la lutte contre la contrebande, et ce dans le but de protéger les entreprises tunisiennes «pionnières dans l’e-commerce».
On peut aller de l’avant à certaines conditions
Khalil Talbi, président du Sevad, a quant à lui considéré que le e-marché tunisien est «très intéressant», ajoutant que la digitalisation que connait le paysage industriel témoigne du potentiel de l’e-commerce dans le pays.
M. Talbi a même estimé qu’il est possible, pour certaines entreprises tunisiennes, de s’offrir une place sur le marché international, à condition de «réussir à être un champion sur le marché local», notamment en s’adaptant au niveau d’exigence élevé des clients en ligne, ce qui passe par le respect des standards du secteur et la satisfaction des critères de qualité.
Il a, par ailleurs, souligné la nécessité d’apporter les réformes nécessaires au code des changes, qu’il considère comme l’un des principaux obstacles entravant le développement du commerce électronique en terre tunisienne. Il a, à ce propos, déploré le fait que cette loi empêche les opérateurs locaux d’acquérir aisément du trafic sur les plateformes internationales pour augmenter la notoriété de leurs sites de vente en ligne.
D’autant plus que, selon lui, le plafond annuel -de 100.000 dinars tunisiens (DT)- relatif à la carte technologique internationale (CTI), utilisée par les sociétés pour réaliser les transactions électroniques, est dérisoire.
M. Talbi a, d’un autre côté, pointé du doigt le problème de l’inclusion financière (l’offre de services financiers et bancaires de base, à faible coût, pour les consommateurs qui ont des difficultés et qui sont exclus des services traditionnels, ndlr). «90% des entreprises effectuent leurs transactions en ligne à travers le paiement en espèces à la livraison, car le paiement électronique n’est pas encore généralisé en Tunisie», a-t-il regretté, ajoutant que ce mode d’encaissement est plus coûteux pour les sociétés.
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