En matière d’énergies vertes, autant la Tunisie continue à tergiverser et à faire du sur place, autant des pays de la région comme le Maroc et l’Egypte sont en train d’intensifier leurs investissements pour valoriser ces énergies propres, à portée de main et durables.
Par Khémaies Krimi
Ces deux derniers pays, souvent comparés à la Tunisie sur plan des grands choix économique, sont en train d’avancer plus rapidement que notre pays dans ce domaine. Ils cherchent sérieusement à de réduire leur dépendance des énergies fossiles et des importations en devises, de tirer le meilleur profit de la baisse du coût de production du kilowattheure à partir des énergies renouvelables et de contribuer à la réduction des émissions du gaz à effet de serre. Ce que ne fait pas encore notre pays, ou pas avec le rythme requis.
Pour comprendre le retard qu’accuse la Tunisie dans ce domaine, il suffit de jeter un regard sur le communiqué publié le 15 avril 2019, par le ministère de l’Industrie et des PME, annonçant avoir donné «son accord de principe» à 10 micro-projets privés pour la production de 10 mégawatts d’électricité à partir de l’énergie solaire photovoltaïque (PV) pour un coût global de 30 million de dinars tunisiens (MDT), soit 1 mégawatt et un investissement de 3 MDT en moyenne par projet.
À retenir, également, que les autorisations accordées ne sont pas définitives dans le mesure où il s’agit d’«un accord de principe». Comble de l’humour noir, ce communiqué indique que le lancement de ces micro-projets s’inscrit dans le cadre du «Plan d’action pour l’accélération des projets à partir des énergies renouvelables en Tunisie».
Pour mémoire, la part des énergies renouvelables en Tunisie dans le mix électrique est actuellement de 3%, un taux inchangé depuis longtemps. Le gouvernement entend porter cette part à 12% en 2020 et à 30% en 2030. Souhaitons-lui bonne chance, au rythme où vont les choses, ce ne sera pas demain la veille.
Le Maroc et l’Egypte, des champions du solaire
Parallèlement, d’autres pays de l’Afrique du nord, comme le Maroc et l’Egypte, sont en lice pour construire les plus grandes centrales solaires du monde.
Pour prendre l’exemple du Maroc, avec une capacité installée de 2.836 MW, l’éolien, l’hydraulique et le solaire ont représenté, fin 2017, 34% des énergies renouvelables dans le mix électrique. Cette puissance installée a été portée, fin 2018, à 3.814 MW, soit une capacité supplémentaire de 978 MW. Le Maroc, qui dépendait énergétiquement de l’Espagne jusqu’à 2009, compte porter la part des énergies vertes à 42% d’ici 2020 et à 52%, à l’horizon 2030.
Dans le détail, «les puissances installées ont été, en 2018, de 700 MW pour le solaire, 1.012 MW pour l’éolien à travers 10 parcs en exploitation, et une capacité de 1.770 MW pour l’hydroélectrique installés dans les 29 barrages et les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP)», selon l’Agence marocaine pour l’énergie solaire (Masen).
Mention spéciale pour l’année 2018. Cet exercice a été marqué par la concrétisation d’autre projets dont la mise en exploitation de l’ensemble du complexe solaire Noor Ouarzazate, retenu comme le plus grand complexe multi-technologique solaire dans le monde, les centrales solaires Noor Laayoune I et Noor Boujdour I.
Au rayon des projets, celui de Noor Midelt I qui se compose de deux centrales hybrides d’une capacité de plus de 800 MW, avec une capacité pour le solaire thermique à concentration (CSP) entre 150MW et 190 MW pour chaque centrale, est en cours de réalisation.
En Egypte, la construction du premier complexe solaire se poursuit au désert de la région de Benban (province d’Assouan) au sud du pays. «Une fois achevé, ce parc solaire de 1650 mégawatts deviendra la première centrale solaire du monde et devrait éviter l’émission de 2 millions de tonnes de gaz à effets de serre par an», note la Banque mondiale (BM).
D’un coût estimé à 3,4 milliards d’euros, ce projet, cofinancé par des banques internationales, couvre une superficie de 40 kilomètres de mètres carrés et se compose de 41 centrales photovoltaïques, reliées les unes aux autres. Elle seront connectées, une fois achevées, au réseau de distribution de la Compagnie nationale égyptienne d’électricité (Egyptian Electricity Transport Company (EETC), ajoute la BM.
À travers ce projet Benban qui créera, une fois terminé 10.000 emplois, l’Égypte vise à produire 20% d’énergie renouvelable en 2020 et 42% en 2035, selon des statistiques officielles.
Les investissements mis en œuvre en amont
Mieux, le Maroc et l’Egypte ne se sont pas contentés de produire de l’électricité à partir du solaire. Contrairement à la Tunisie, dont le plan solaire date pourtant de 2008, ils ont mis en place en amont toute une logistique de formation et d’industrialisation.
Le Maroc, devenu le champion du solaire en quelques années, a accordé l’intérêt requis à la formation de ressources humaines qualifiées pour accompagner le développement des énergies vertes dans le pays.
Pour cela, le pays a mis en place trois instituts de formation aux métiers des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (Ifmeree) à Oujda, Tanger et Ouarzazate. Les domaines de formation couverts sont l’exploitation et la maintenance des parcs éoliens et la maintenance du matériel solaire thermique et photovoltaïque, la maintenance et l’exploitation de l’électricité solaire thermodynamique, l’efficacité énergétique, l’exploitation du gisement du biogaz et d’autres formations connexes.
En Tunisie, il n’existe aucun établissement supérieur spécialisé dans les énergies vertes.
En Egypte, EETC a conclu, en 2018, avec les Chinois du GCL Group, un accord pour la construction d’une usine de fabrication de panneaux solaires d’une valeur d’environ 2 milliards de dollars.
En Tunisie on continue à importer, au prix fort, ces équipements et à réduire leur taxation à l’import.
Cela pour dire au final, qu’autant la volonté politique est clairement exprimée au Maroc et en Egypte pour développer les énergies vertes autant elle est floue pour ne pas dire inexistante en Tunisie. Nos responsables sont toujours dans le tendanciel et lorsqu’ils sont dans le concret, ils investissent dans des microprojets insignifiants. Entre-temps le contribuable continue de payer cher la facture par l’effet d’importations onéreuses en devises.
Donnez votre avis