Le Ciné-Madart à Carthage a accueilli, dans la soirée du mercredi 22 mai 2019, la première du film documentaire ‘‘Manich Msamah Generation’’, retour en images sur un grand mouvement d’opposition au projet de loi de réconciliation économique et financière.
Par Fawz Ben Ali
La première nationale du documentaire ‘‘Manich Msamah Generation’’ produit par le blog Nawaat a été projeté à l’ouverture de la 1e édition du festival «Ciné-Social», un nouveau rendez-vous cinématographique gratuit dédié aux films tunisiens (courts et longs métrages) qui traitent des thématiques sociopolitiques actuelles du pays, organisé par la Fondation Rosa Luxemburg (bureau Afrique du nord) et ses partenaires locaux.
Le public est venu très nombreux à la première projection de ce long-métrage documentaire écrit par le cinéaste documentariste Ikbel Zalila, et présenté par Ivesa Lubben (directrice de la Fondation Rosa Luxemburg -bureau Afrique du nord) et Thameur Mekki, journaliste de Nawaat.
Tourner la page du passé sans juger les corrompus ?
Tout commence un certain 14 juillet 2015 quand le président de la République Béji Caïd Essebsi présente au conseil ministériel un projet de loi relatif à la réconciliation économie et financière, mais tourner la page du passé sans juger les corrompus est loin d’être une idée au goût de tout le monde. Commence alors une «première round» (comme appelée dans le film) d’un long et épineux combat exigeant l’abandon de ce projet de loi inconstitutionnel et qui va à l’encontre de la justice transitionnelle.
En 66 minutes, le film revient sur la naissance du mouvement «Manich Msamah» (Je ne pardonne pas) et la caméra nous emmène voir de près son organisation et son évolution entre réunions, manifestations et répression policière durant un peu plus de deux ans, avant que la loi ne passe finalement et malgré tout.
«Manich Msamah» est né d’abord grâce à un petit groupe de jeunes activistes, militants et avocats qui ont vu dans ce projet de loi une réelle menace pour le processus démocratique et une banalisation de la corruption et des détournements des fonds publics.
Pas de réconciliation avant le jugement !
Sous prétexte de «renforcer le confiance dans les institutions de l’Etat», le projet de loi a été fortement soutenu malgré le mouvement d’opposition qui s’en est suivi et qui n’a pas cessé de grandir, de gagner en masse et de gagner en visibilité.
Au fil des semaines et des mois, les régions avaient aussi rejoint la campagne, tous derrière le slogan «Manich Msamah», ou encore «Ça ne passera pas», «Pas de réconciliation avant le jugement»…
Mais plus la campagne prenait de l’ampleur, plus la répression policière devenait intense (violences verbales et physiques, arrestations, confiscation de téléphones…). C’était le retour des grands rassemblements massifs dans les rues en dehors des idéologies et indépendamment de tout parti politique, ce qui avait d’ailleurs contribué à la diversité de cette masse et à l’importance de son poids pour devenir une vraie force nationale.
De la place Mohamed Ali, où se trouve le siège de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), à l’avenue Habib Bourguiba, puis au Bardo face à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), chaque nouveau rassemblement gagnait en assurance et prenait l’allure d’un festival porté par des jeunes résistants qui croient en une Tunisie sans corruption.
Cependant, en octobre 2017, le projet de la loi de réconciliation économique et financière donne naissance à la loi de réconciliation dans le domaine administratif, adoptée par l’Assemblée, et ayant pour objectif «d’instaurer un environnement propice à même d’encourager notamment la liberté de l’initiative au sein de l’administration», dit-on.
À quelques mois des prochaines élections, ce documentaire vient rafraîchir notre mémoire collective avec un beau travail d’archivage autour d’un chapitre important de la période postrévolutionnaire de la Tunisie; une histoire de lutte signée une jeunesse engagée, non résignée et qui continue de résister à tout retour en arrière.
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