Pour assurer le développement du transport et de la logistique vers l’Afrique, il convient d’accélérer la mise en place du port en eau profonde d’Enfidha (Sousse) et de faire en sorte qu’il soit un port de transbordement. De manière à placer la Tunisie en tant que point focal entre l’Europe et l’Afrique.
Par Cherif Ben Younès
L’organisation non gouvernementale (ONG) Tunisia-Africa Business Council (TABC) a organisé, vendredi 31 mai 2019, à l’Hôtel Paris, aux Berges du lac de Tunis, une conférence pour présenter la dernière étude de son laboratoire d’idées (ou «think tank»), sur : «Les corridors transport et logistique en Afrique : une perspective tunisienne».
Cette étude, qui a été conduite par Mondher Khanfir, vice-président du TABC, sera publiée, dans quelques jours, sous format eBook.
L’Afrique : un marché à forte potentialité commerciale, mal exploité
Le président de l’organisation, Bassem Loukil, a déclaré, dans son mot d’ouverture, que cette étude est d’une extrême importance, compte tenu des opportunités économiques que présente le continent africain, et qui restent, cependant mal-exploités.
L’Afrique vit un état d’«effervescence», a lancé M. Loukil, comme en témoigne notamment son taux de croissance annuel de 3,5% lors de la dernière décennie. Toutefois, à l’heure actuelle, sur les 750 milliards de dollars d’importation de produits commerciaux en Afrique, il n’y a que 20% qui sont échangés entre ces pays, a-t-il déploré.
«Nous dépendons encore des marchés extérieurs. On ne peut évidemment pas atteindre un taux d’autosuffisance de 100%, mais on se dit que si la jeunesse africaine aspire à transformer l’économie africaine de consommation en une économie de production, il faudra d’abord réviser l’état des infrastructures dans le continent et essayer de comprendre les raisons des obstacles qui leur sont liés et qui empêchent le commerce intra-africain de se développer», a-t-il expliqué, ajoutant que l’un des problèmes majeurs dont souffre le commerce en Afrique, aujourd’hui, est le transport.
M. Loukil a par ailleurs rappelé l’importance de l’entrée en vigueur, à partir du 31 mai 2019, de l’accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca), «un énorme espace économique de 2500 milliards de dollars de PIB», exprimant son souhait de voir cet accord ratifié par le parlement tunisien, comme ça a été le cas pour le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa).
Une étude pour résoudre les problèmes liés au transport et à l’infrastructure
Le président du TABC a estimé qu’il est important, dans le contexte actuel, de mettre en place une stratégie africaine visant à résoudre les problèmes du transport des biens et des marchandises dans le continent, aussi bien au niveau terrestre que maritime. Et c’est justement l’objet de l’étude de son organisation, en l’honneur de laquelle, cet événement a été tenu.
Celle-ci tente de tracer les corridors de transport et de logistique actuels en Afrique, leur avenir à court et à moyen terme et les outils nécessaires aux opérateurs économiques tunisiens pour faire leurs choix stratégiques (à qui s’adresser en terre africaine, vers quels marchés faut-il s’orienter pour mieux vendre, où est-ce qu’il faut investir en fonction des plateformes logistiques, etc.)
Énormes coûts
L’étude traite, d’autre part, une autre problématique : celle liée aux coûts de transport importants en Afrique, et dont la raison principale est, selon M. Loukil, l’absence de lignes maritimes directes. «Cette absence fait que nous subissons les tarifs imposés par les sociétés maritimes internationales», a-t-il regretté, tout en assurant que résoudre les problèmes commerciaux liés au marché africain, en vue de l’exploiter, ne signifiera pas, pour autant, la réduction des échanges avec l’Europe, dont les coûts de transport sont, à l’inverse, maîtrisés.
«L’Europe demeure notre premier partenaire, mais on ne peut plus continuer à en dépendre. La Tunisie doit diversifier ses relations commerciales et chercher de nouveaux marchés, dont l’Afrique, qui est celui avec le plus fort potentiel de développement», a-t-il conclu.
De son côté Mondher Khanfir a indiqué, lors de sa présentation que l’étude qu’il a élaborée en une année et demi, avec la collaboration de Noureddine Khalaf, membre du TABC, a pour but d’analyser rigoureusement les points d’entrée commerciaux essentiels des pays africains, et ce afin d’évaluer leur capacité à se connecter entre eux d’un côté et aux réseaux de distribution internationaux, d’un autre côté.
L’étude accorde, par ailleurs, une importance particulière aux coûts de transport et de transactions en Afrique, en tant que facteurs principaux pour la prise de décision. Des coûts importants dépassant les 4.000 euros par conteneur équivalent vingt pieds (EVP) et qui font que le choix du corridor adéquat est fondamental.
M. Khanfir a, notamment, assuré qu’il est indispensable, pour le développement du transport et de la logistique vers l’Afrique, d’accélérer la mise en place du port en eau profonde d’Enfidha (Sousse) et de faire en sorte qu’il soit un port de transbordement.
L’étude indique, d’autre part, que l’Afrique Orientale et l’Afrique Australe présentent de meilleures attractivités logistiques par rapport au reste du continent.
Le gouvernement met en place des solutions, assure le ministre du transport
Également présent à la conférence, Hichem Ben Ahmed, ministre du Transport, a confirmé, de son côté, que le transport et la logistique se trouvent aujourd’hui au cœur de la croissance économique de la Tunisie, et font partie d’une vision stratégique du gouvernement, qui vise à surmonter les difficultés que rencontrent les investisseurs tunisiens et à faire de la Tunisie une plate-forme de correspondance logistique régionale et un portail de commerce entre l’Afrique et l’Europe.
Au niveau du transport maritime, le ministre a lui aussi souligné l’importance du projet de port en eau profonde d’Enfidha, qui devrait, selon lui, placer la Tunisie en tant que point focal entre l’Europe et l’Afrique. Il a, par ailleurs, évoqué le développement d’autres ports tels que l’achèvement des quais 8 et 9 à Radès, l’évolution des travaux de la Compagnie tunisienne de navigation (CTN) et la préparation d’une étude pour encourager l’investissement privé et l’achat de navires.
En ce qui concerne le transport aérien, M. Ben Ahmed a mis l’accent sur la nécessité de libéraliser des services similaires à l’accord «Open sky», qui en est à sa phase finale et qui devrait s’activer dans tous les aéroports, à l’exception de Tunis-Carthage, au cours des cinq premières années.
Enfin, il a parlé de l’importance de la décision temporaire, prise par Tunisair, qui consiste à réduire le nombre de ses vols et à travailler avec le nombre réel des avions, ce qui contribuera au respect de sa clientèle, en attendant le renforcement de sa flotte avec de nouveaux appareils.
Donnez votre avis