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Le célèbre tortionnaire Hassen Abid décède dans l’impunité et l’indignité

C’était dans l’après midi du mercredi 12 juin 2019 que Hassen Abid alias «Hamadi», «Boukricha» ou «El Bokhch البخش», le plus grand tortionnaire que la Tunisie indépendante ait connu, est décédé à son domicile dans la banlieue de Tunis. Il a été enterré le lendemain dans la plus stricte discrétion. Dans l’impunité et l’indignité.

Par Abdelatif Ben Salem

Le hasard a voulu que la veille, 11 juin, soit la date fixée pour sa comparution devant la juridiction spéciale de la justice transitionnelle auprès du Tribunal de Gabès et, le lendemain matin, 13 juin, devant le juridiction spéciale transitionnelle auprès du Tribunal de première Instance de Tunis avec 24 autres prévenus inculpés de crimes de torture, d’enlèvements, de séquestrations et de tentatives de meurtre dans l’affaire des militants de l’organisation politique de gauche Perspective /Amel Al-Tounsi datant du début des années 1970.

Parmi les vingt quatre prévenus convoqués, tous absents à l’audience, figurent l’ancien ministre de l’Intérieur Tahar Belkhodja, plusieurs responsables de la sûreté, et des membres de la tristement célèbre police politique «Salâmat amn al-dawla» (Sûreté de l’Etat) avec, à leur tête, Hassen Abid. Quant aux victimes, ils étaient au nombre de 27 dont 6 femmes.

De Knaeis à Tunis en passant par le Congo

Natif du village de Knaeis (Gouvernorat de Sousse) Hassen Abid a fait ses premières armes avec plusieurs autres futurs responsables de la police politique tunisienne au Congo Démocratique, au sein du contingent tunisien des Forces d’interposition de l’Onu entre le gouvernement légitime du Congo démocratique présidé par Patrice Lumumba et Moise Tchombé, chef de la sécession katangaise soutenu par la Belgique et la France.

Á la fin de la mission de l’Onu, Hassan Abid regagna le pays où il sera affecté avec certains compagnons du Contingent dans le premier noyau de construction et de consolidation d’un appareil policier répressif destiné à contrecarrer, sur fond de guerre civile et traque des derniers réduits yousséfistes au pays, toute velléité d’opposition au régime autoritaire qui se mettait en place.

Á partir de 1967, il plonge littéralement dans la clandestinité, les données concernant sa trajectoire dans l’appareil policier restent évasives et peu crédibles. On sait que de simple commissaire de police, il gravit un à un les échelons jusqu’au poste important de Directeur général des services spéciaux de la sécurité nationale.

Hassen Abid était, au début des années 1990, le bras droit de Mohamed Ali Ganzoui, l’ancien secrétaire d’État chargé de la Sûreté nationale. Il a longtemps été, sous le règne de Ben Ali, directeur général des renseignements généraux. Il est resté tout au long de sa vie un homme mystérieux, on ne lui connaît aucun cliché photographique privé ou officiel.

Mort dans l’indignité et enterré dans la honte

Le nom de Hassen Abid était en revanche connu depuis une cinquantaine d’années par toutes les instances nationales et internationales de défense des droits de l’homme et de lutte contre la torture y compris par le Comité des Nations Unis contre la torture, chargé de surveiller l’application des conventions de Genève contre la pratique de la torture dont la Tunisie était signataire.

Plusieurs générations de militants tunisiens ont connu ses «salles d’opérations» dans les caves du ministère de l’Intérieur et ailleurs : yousséfistes, perspectivistes, syndicalistes, simples citoyens, islamistes, membres de Parti communiste des ouvriers de Tunisie (Pcot), l’actuel Parti des Travailleurs, ont connu qui «le supplice du poulet rôti» qui «la technique d’hélicoptère» qui «la falqa» qui «la privation du sommeil» qui «la bastonnade». Son nom reste à jamais associé à la pratique institutionnelle de la torture de la dictature de Bourguiba et de Ben Ali.

Il est mort dans l’impunité totale, comme la plupart des responsables de deux anciennes dictatures, sans avoir eu a rendre des comptes, mais il est mort dans l’indignité, enterré dans la honte, presque clandestinement, à Tunis, car sa famille s’opposa, d’après nos informations, au rapatriement de sa dépouille mortelle à son village natal de Knaies pour y être inhumé, car elle craignait, eu égard aux rumeurs persistantes qui se sont répandues à l’annonce de sa mort, que sa tombe soit profanée par ses innombrables victimes.

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