Au début des années 90, le tourisme écologique a été retenu par la stratégie de diversification du tourisme tunisien parmi les créneaux porteurs susceptibles d’attirer une nouvelle clientèle et d’étaler la saison touristique, au-delà des trois moi d’été.
Par Khémaies Krimi
Dans le sillage de l’euphorie générée, à l’époque, par le Sommet de la terre de 1992, à Rio de Janeiro, au Brésil, deux zones ont été identifiées pour promouvoir ce nouveau produit. La Kroumirie au nord-ouest (Ben Metir, Ain Draham, Tabarka, Zouaraa, Ain Soltane…) avec ses forêts denses, ses paysages lacustres et ses plages sauvages, et les îles Kerkennah, au large de Sfax (sud-est), perçues comme un espace exotique décroché, et surtout, très accessible.
Depuis, 14 ministres se sont relayés à la tête du ministère du Tourisme. Malheureusement, aucun d’eux n’est parvenu à mener à terme un seul projet de tourisme écologique.
Le quinzième, l’actuel détenteur du portefeuille, René Trabelsi semble vouloir rompre avec l’immobilisme dans ce domaine.
Pragmatique, moins d’une année depuis sa nomination (5 novembre 2018), il vient non seulement de dépoussiérer ces dossiers mais surtout d’engager des actions concrètes pour développer le tourisme écologique dans les zones concernées.
Ben Metir, le Sidi-Bou de la Kroumirie, classée municipalité touristique
Pour preuve, lors d’une visite de travail, au cours de ce mois juillet 2019, dans le gouvernorat de Jendouba, le ministre a annoncé le classement du village climatique de Ben Metir, «Sidi Bou de la Kroumirie», en tant que municipalité touristique.
Ainsi, Ben Metir, qui a abrité le premier conseil des ministres de la Tunisie indépendante et dont le barrage a été représenté dans les premiers billets de 1 dinar, va bénéficier de nouveaux apports budgétaires. Ces fonds lui permettront d’acquérir des équipements dédiés à la protection de l’environnement, d’améliorer la propreté et de créer des circuits touristiques (observation de la nature, randonnées piétonnes, équestres, cyclistes…), au grand bonheur des habitants de ce village qui compte beaucoup de chômeurs.
Par ailleurs, transformer ce village, édifié en 1948 pour héberger les ingénieurs et ouvriers venus construire le barrage, en municipalité touristique tombe à point nommé. Cette décision intervient à la veille de l’entrée en service d’une magnifique station thermale.
Dénommée Sahline, cette station fin prête va exploiter une source d’eau chaude à 73°C, la plus chaude de Tunisie et du monde, connue pour ses vertus curatives des maladies rhumatismales, inflammatoires et épidermiques. La station, cofinancée par l’Union européenne, est composée de 80 chalets pour une capacité de 120 curistes.
Les îles Kerkennah, le ministre y croit aussi
Viennent, ensuite, les îles Kerkennah que René Trabelsi qualifie de «site paradisiaque». «La beauté de cette île est exceptionnelle. On peut en faire un paradis. Moi, je l’ai appelé l’île de rêve. Et elle sera l’île de rêve», a indiqué le ministre dans une interview accordée à un magazine de la place. Pour lui, «c’est une île riche où on ne doit pas faire du tourisme de masse mais c’est un site où on ne doit développer que des produits de qualité», par exemple, «on peut y venir pour faire de la pêche, pour se reposer. J’ai vu des maisons d’hôtes exceptionnelles, j’ai vu des couchers de soleil exceptionnels…», a-t-il ajouté. «Personnellement, je suis très intéressé par cette région et j’espère, très rapidement, qu’on peut faire beaucoup de changement dans cette zone», a conclu le ministre.
Espérons que l’actuel ministre du Tourisme ne suivra pas les décisions de ses prédécesseurs, particulièrement, celles de Mehdi Haouas, un originaire de l’archipel, qui avait annoncé, le 29 mai 2011, un projet surdimensionné au regard de la fragilité écologique du site.
Il s’agissait, alors, d’édifier une station touristique écologique à Sidi Founkhal. S’étendant sur une superficie de 90 hectares, le projet prévoit la réalisation d’hôtels, de zones résidentielles, de villages de vacances, de centres d’animation et de circuits de santé, avec une capacité d’accueil prévisionnelle d’environ 300 lits.
Il faut reconnaître que cet archipel quasi désert, à peine émergé de l’eau avec ses palmeraies sauvages, a échappé, jusqu’ici, à la prédation des tours opérateurs en dépit de sa beauté exceptionnelle. Il ne doit donc pas tomber dans le piège d’une urbanisation excessive.
À bon entendeur…
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