Confronté au refus d’Elyes Fakhfakh de lui accorder le ministère de la Justice, le Courant démocrate (Attayar) n’est plus certain de faire partie du prochain gouvernement, et est convaincu que cela est dû aux pressions qui ont été exercées sur le chef du gouvernement désigné par certaines parties politiques…
Par Cherif Ben Younès
Invité à la matinale de Shems FM, ce matin du lundi, 10 février 2020, Zied Ghanney, dirigeant au sein d’Attayar, est revenu sur l’état actuel des concertations autour du prochain gouvernement et sur l’évolution de la position de son parti.
M. Ghanney a, en effet, indiqué que les demandes de son parti vis-à-vis d’Elyes Fakhfakh entrent dans le cadre de son programme de réforme visant à avoir un Etat capable d’appliquer les lois et une justice indépendante et, surtout, efficace, et qui ne fait pas traîner les dossiers, si elle ne les enterre pas sous le poids des procédures.
La guerre feutrée des dossiers judiciaires
«Avec la guerre des dossiers juridiques qui existe aujourd’hui, le pays n’est pas capable d’évoluer. A l’état actuel des choses, ni les investisseurs ni les citoyens ne peuvent lui accorder sa confiance», a-t-il regretté, ajoutant que les ingrédients de l’Etat moderne sont, pour le moment, absents.
Même si Elyes Fakhfakh faisait partie d’une liste de deux candidats (avec Mongi Marzouk) envers lesquels Attayar n’avait pas d’objection en cas de désignation, par le président de la république, Kaïs Saïed, comme chef de gouvernement, la participation du parti social-démocrate au pouvoir n’est plus assurée, après le refus de l’ancien dirigeant d’Ettakatol de lui accorder le portefeuille ministériel qu’il a tant réclamé, à savoir la Justice.
Ghanney a toutefois expliqué, dans ce cadre, que le Conseil national de son parti s’est réuni hier et a décidé de «poursuivre les concertations» avec le chef du gouvernement désigné, assurant que son refus était dû à des pressions venant de certaines parties politiques.
«Il y a des parties concernées par le pouvoir qui demandent, lors des concertations, des ministères et d’autres qui demandent à ce que celles-ci n’obtiennent pas ce qu’elles réclament», a-t-il déploré, en se contentant de faire allusion à Ennahdha, dans un premier temps, puis en déclarant explicitement que le parti islamiste ne veut pas qu’Attayar obtienne le département de la Justice, sachant que ce parti n’est pas du genre à accepter les transactions dès qu’il s’agit de faire respecter la loi et de lutter contre la corruption.
Le deal entre Ennahdha et Elyès Fakhfakh
D’ailleurs, le fait qu’Ennahdha, ainsi que son sous-traitant (pour emprunter le terme de Youssef Chahed), Al Karama, se soient dernièrement mis à demander le ministère de l’Intérieur n’est qu’une manœuvre politique, selon Zied Ghanney, pour barrer la route à Attayar dans sa quête du ministère de la Justice et contraindre ainsi Elyes Fakhfakh à opter pour la neutralité de tous les départements de souveraineté.
Ennahdha aurait donc réussi, notamment suite à la fameuse rencontre qui a eu lieu la semaine dernière au domicile de Rached Ghannouchi, à convaincre le chef du gouvernement désigné de priver Attayar du département de la Justice, jugeant sans doute que ce dernier serait particulièrement «dangereux» pour l’issue des poursuites judiciaires dans lesquelles sont impliqués le parti islamiste et celui de Nabil Karoui (présent également à la rencontre), Qalb Tounes.
Le deal politique auquel aurait succombé Fakhfakh consisterait également à former un gouvernement sans Qalb Tounes, tel que cela est voulu par Kaïs Saïed et par certains partis devant l’intégrer (à l’instar d’Attayar et Echaâb). En contrepartie, il obtiendrait le soutien d’Ennahdha et de Qalb Tounes (et leurs 54 et 38 députés respectifs) au Parlement lors du vote de confiance pour son gouvernement.
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