Au regard de certains projets et initiatives de réflexion engagés, ces dernières semaines, par le ministère de l’Industrie et des PME et par l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica, patronat), la Tunisie serait, 64 ans après son indépendance, sur la voie de se doter d’une véritable politique industrielle nationale, intégrée et cohérente. Trois initiatives structurantes méritent qu’on s’y attarde.
Par Khémaies Krimi
La première initiative consiste en le lancement, depuis septembre 2019, d’une étude stratégique industrielle et d’innovation à l’horizon 2035. Financée par un don de 670.000 euros accordé par la Banque africaine de développement (BAD), cette étude, qui durera 9 mois, a été confiée au bureau d’études tuniso-espagnol IDOM/BID Consulting.
Pour une industrie résiliente orientée vers le futur
L’objectif recherché, selon Slim Fériani, ministre sortant de l’Industrie et des PME, est de «jeter les bases d’une industrie tunisienne résiliente orientée vers le futur et capable de concrétiser les priorités nationales». Dans le détail, il s’agit, d’après la même source, «de mener des analyses minutieuses traduisibles en programmes gouvernementaux, et ce, durant les quinze prochaines années».
Point d’orgue de cette étude, l’évaluation des politiques industrielles actuelles et l’élaboration d’études comparatives avec cinq pays : Maroc, Chili, Pologne, Portugal et Tchéquie.
La deuxième initiative est à l’actif l’Agence foncière de l’industrie (AFI). Elle est articulée autour de l’aménagement, à partir de 2021, d’une nouvelle génération de zones industrielles. D’après le directeur général de l’AFI, Souheil Chéour, «ces nouvelles zones seront intégrées et offriront les conditions et l’écosystème nécessaires à l’émergence d’activités industrielles compétitives à forte valeur ajoutée et adaptées aux exigences de l’industrie du futur, l’industrie 4.0».
La spécialisation industrielle des régions serait la panacée
L’attraction de ce nouvel zoning industriel réside dans l’orientation vers ce que Chéour appelle «la spécialisation industrielle des régions sur la base de leurs avantages et de leurs coûts comparatifs».
Dans cette perspective, l’AFI a, déjà, identifié quatre groupes de zones industrielles spécialisées. Il s’agit de la réalisation de 6 zones dédiées au secteur automobile sur 250 hectares à Utique (Bizerte), Gabès ou Kairouan.
La région de Ben Arous sera spécialisée, à travers l’aménagement de 170 nouveaux hectares dans la zone industrielle El-Mghira, dans l’industrie aéronautique.
L’AFI projette, par ailleurs, de spécialiser la région de Tataouine dans la valorisation et l’industrialisation du gypse.
D’autres régions, comme Sidi Bouzid et Siliana, seront spécialisées dans l’agroalimentaire.
Des stratégies sous-sectorielles pour une meilleure visibilité
La troisième initiative est à l’actif de l’Utica. La centrale patronale a entamé, depuis le 21 janvier 2020, une série d’ateliers sectoriels dans le cadre de l’élaboration de la stratégie nationale de l’industrie et de l’innovation à l’horizon 2035.
La finalité de ces ateliers est de mettre au point des stratégies industrielles sous-sectorielles (textile, bois et ameublement, industries mécaniques et métallurgiques, industries électriques et électroniques…).
Ces stratégies sous-sectorielles ont pour but, selon Slim Fériani, de «permettre aux différents secteurs industriels de relever les défis locaux et internationaux auxquels la Tunisie fait face en particulier le ralentissement de la croissance de l’économie mondiale et de l’Union européenne en particulier».
À titre indicatif, le secteur du textile/habillement, qui est passé de 2.000 entreprises et 200.000 emplois, il y a 10 ans, à 1.600 entreprises et 160.000 emplois, aujourd’hui, est, depuis peu, sur une trajectoire positive à la faveur de la conclusion avec l’administration d’un Pacte de partenariat public/privé (PPP).
Cet accord, qui concerne la période 2019-2023, va permettre la création de 50.000 emplois dans le secteur d’ici 2023, la récupération de 4% de parts de marché du marché européen, la hausse des exportations de 4 milliards d’euros par an et la reprise de notre position parmi les 5 premiers pays exportateurs de textile vers l’UE.
Pour le patronat, ces stratégies «devront permettre à l’industrie tunisienne de rechercher de nouveaux marchés prometteurs tels que ceux des pays africains».
Au final, toutes ces stratégies sectorielles et sous-sectorielles auront l’avantage d’être menées dans la cadre du PPP ce qui va leur conférer, à n’en point douter, crédibilité, efficacité et pérennité, et ce, au grand bonheur de toutes les régions du pays, sans distinction aucune.
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