Après avoir ouvertement défendu les accusations de mécréance («takfir») lors de son intervention à la plénière d’avant-hier, 3 mars 2020, le député d’Al Karama, Mohamed Affes, est revenu hier soir, au parlement, sur les critiques médiatiques à l’égard de ses propos, considérés dangereux et anticonstitutionnels.
«Je suis en train de subir une campagne virulente menée par certains médias mercenaires», a lancé l’ancien imam, ajoutant que cela lui a valu des menaces sur facebook.
«Alors que je voulais [simplement] clarifier l’ambiguïté du croque-mitaine entourant le concept de takfir, qu’on veut sortir de la sphère de la charia pour une instrumentalisation politique», a-t-il poursuivi, avant de se mettre à s’attaquer personnellement aux journalistes qui ont critiqué son intervention, à l’instar de Hamza Belloumi et Mokhtar Khalfaoui de Shems FM.
L’islamiste s’en est également pris à la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) qu’il a qualifiée d’«aveugle, sourde et muette» et accusée de défendre les intérêts des médias privés «qui mènent une guerre contre tous ceux qui soutiennent la révolution ou l’identité [arabo-musulmane]».
Pourtant, en tant que membre de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), M. Affes devait s’attendre à ce qu’il soit rappelé à l’ordre après son dernier dérapage, où il ne s’est pas seulement opposé à l’un des fondements de la constitution grâce à laquelle il a pu accéder à son siège parlementaire, mais il a surtout fait une incitation indirecte à la haine, car en défendant ce fameux concept de « takfir » (accusation de mécréance), cher aux prêcheurs extrémistes musulmans, il a ouvert la porte à toutes les répercussions néfastes et dangereuses qui peuvent s’en suivre.
Des répercussions que le monde arabo-musulman de façon générale, et notre pays plus spécifiquement, en ont déjà payé le prix par le passé, notamment à travers des assassinats politiques.
Car, faut-il le rappeler, selon la charia, l’apostasie est un crime qui s’apparente à la haute trahison et qui a pour sanction la peine de mort. Ce qui est en totale contradiction avec la constitution tunisienne qui garantit la liberté de croyance, de conscience et d’expression, et qui dispose que l’Etat est civil.
Le plus drôle est la projection grotesque qu’a faite le député de l’extrême droite religieuse à l’encontre de ses détracteurs, en se montrant mécontent de l’«instrumentalisation politique» du concept… alors que c’est exactement ce qu’il a fait lui-même, sinon, pourquoi aurait-il à la base évoqué ce débat à l’ARP ?
Cherif Ben Younès
Donnez votre avis