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Pour ne pas perdre la guerre contre le coronavirus

Un deuxième cas de coronavirus en Tunisie annoncé hier soir, dimanche 8 mars 2020: attachez vos ceintures on va passer par une zone de turbulence !

Par Kaissar Sassi *

On vient d’annoncer des mesures draconiennes en Europe pour enrayer l’épidémie de coronavirus. Plus de 15 millions d’habitants du nord de l’Italie sont placés en quarantaine. En France, on déplore 19 morts et 1.126 personnes contaminées, un conseil de défense s’est réuni, hier, autour du chef de l’Etat pour discuter la question. En Chine, le nombre de patients infectés a atteint 80.860 à l’heure actuelle. Les scientifiques chinois pensent que le Covid-19 s’est décliné sous deux souches différentes, dont l’une est plus agressive et contagieuse que l’autre.

L’histoire est un perpétuel recommencement: Les homo-sapiens ont connu des épidémies infectieuses au cours de l’histoire. La lèpre est citée dans la Bible. Elle était considérée comme un châtiment divin. La grippe espagnole a fait 40 millions de victime. Le sida, choléra, grippe saisonnière font toujours des ravages aux quatre coins du monde. Albert Camus a écrit un jour dans son livre ‘‘La peste’’ : «Si l’épidémie s’étend, la morale s’élargira aussi».

Le coronavirus va toucher 50% de l’humanité

Les seules choses qui semblent s’élargir actuellement ce sont la psychose, l’hystérie et la crise économique. Dans un rapport publié il y a une semaine, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a alerté sur les conséquences dramatiques de cette épidémie sur l’économie mondiale. Le ton utilisé est plus qu’inquiétant : «L’économie mondiale est en danger» et «s’apprête à affronter le plus grave danger depuis la crise financière».

Le coronavirus va toucher 50% de l’humanité. Discuter cette évidence ne sert qu’à alimenter les faux espoirs et les déceptions. La contention de l’infection dans le monde est désormais quasi impossible. Plus inquiétant ! La vitesse actuelle de propagation est plus importante qu’au début. Le Sars-CoV-2 est très contagieux. Il serait 15 fois plus contagieux que le Sras-CoV, y compris par des sujets asymptomatiques. Chez les patients infectés, le Sars-CoV-2 a pu être retrouvé dans de nombreux fluides et excrétions biologiques (sécrétions de la bouche et du nez, selles, urines…). Les possibilités et modalités de transmission sont donc multiples. Elles augmentent ainsi les incertitudes et compliquent les mises en place de recommandations définitives.

Les études récemment publiées reportent un taux de 80 à 85% des sujets infectés par le Sars-CoV-2 qui ne présentent pas ou peu de symptômes, alors que 15 à 20% développent des formes plus sévères, souvent associées à un âge avancé ou à d’autres co-morbidités. Cinq pour cent des sujets infectés entrent dans une phase critique de la maladie et sont admis dans les services de maladies infectieuses et de réanimation médicale, pour un taux de mortalité de l’ordre de 50% dans ce groupe. On peut affirmer aujourd’hui que le Covid-19 est plus contagieux que la grippe saisonnière mais est, aussi et surtout, beaucoup plus mortel.

La Tunisie doit reconsidérer son dispositif de prévention

Pour la Tunisie, c’est une simple question de temps : un deuxième cas importé de l’Italie a été déclaré hier. Notre méthode actuelle de lutte peut être jugée efficace mais reste très critiquable. Les nouvelles analyses et conclusions scientifiques nous obligent à reconsidérer notre dispositif de prévention parce que la donne a changé. Je rappelle que la mortalité pourrait s’avérer plus importante dans des pays en voie de développement.
Cinq actions sont à mettre en œuvre le plus tôt possible:

  • préparer le personnel médical et paramédical à l’épidémie. Transparence, formation ciblée et implication des syndicats dans la prise de décision seront indispensables.
  • implication immédiate de la Société tunisienne de médecine d’urgence, réanimation, et anesthésie-réanimation dans la commission ministérielle de prévention conte le coronavirus;
  • soumettre un contrôle de qualité à tous les services de réanimation sur le territoire tunisien et établir un listing du matériel nécessaire pour une éventuelle activité à 100 pour cent ;
  • établir des recommandations d’experts pour la prise en charge médicale des patients atteints allant de l’appel téléphonique jusqu’à l’intubation et la ventilation mécanique;
  • commencer à faire des simulations de «plan blanc» pour former et préparer le personnel médical et paramédical à répondre à un afflux important de malades.

Vigilance, calme et civisme seront les devises de notre réussite façe à cette menace sanitaire. Courage !

* Médecin anesthésiste réanimateur.

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