Accueil » Le coronavirus jusqu’à quand ? Simulation économétrique pour le cas tunisien

Le coronavirus jusqu’à quand ? Simulation économétrique pour le cas tunisien

Dans cet article visant à prévoir les principaux signaux du coronavirus en Tunisie, nous avons utilisé la modélisation économétrique basée sur les données journalières du ministère de la Santé entre le 1er mars et 1er avril pour contrôler l’évolution des équations retenues. Les paramètres structurels estimés serviront ensuite pour obtenir les projections souhaitées grâce à la simulation des équations du système d’équation. Les résultats ont fait apparaître que le seuil maximum du cumul du nombre de cas confirmés va atteindre 1495, le 3 mai 2020. À cette date, le nombre cumulé des cas hospitalisés va atteindre 108 avec 50 décès.

Par Dr. Chokri Terzi *

Depuis son apparition à Wuhan en Chine vers la fin de décembre 2019, le virus corona n’a cessé de déteindre sur la majorité des pays du monde, mais à différents degrés. Les conséquences sont d’ordre sanitaire, social et économique touchant la majorité des domaines et provoquant une paralysie presque totale des activités vitales des peuples.

Les articles qui ont focalisé sur les effets de ce virus ne sont pas nombreux et sont généralement des articles de presse. Concernant les études quantitatives, il y a lieu de citer l’étude qui a appliquée des chocs par scénarios pour simuler l’impact de cette crise sanitaire sur la croissance économique et le chômage en Tunisie (Hakim Ben Hamouda et Mohamed Hedi Bchir, mars 2020).

Les résultats obtenus indiquent une forte contraction de l’activité économique suite à cette crise sanitaire qui peut atteindre jusqu’à -1,86% pour le scénario le plus élevé. Cette crise va avoir des conséquences importantes et occasionner des pertes sans précédent de PIB qui peuvent varier de 1,65% jusqu’à plus de cinq points du PIB par rapport aux dernières projections de croissance du FMI. Cette perte pourrait atteindre en dinars courants dans le scénario le plus élevé jusqu’à 6,6 milliards de dinars.

Dans cet article, l’accent ne sera pas mis sur les effets économiques et sociaux de la crise mais l’objectif est plutôt de simuler d’une manière économétrique les principales caractéristiques liées étroitement à cette crise pour le cas tunisien (le cumul du nombre de cas confirmés, la date correspondante au premier jour de zéro test positif, le cumul du nombre des cas hospitalisés et le cumul du nombre de décès). La modélisation et les résultats seront présentés dans la section 2. La section 3 conclut l’étude et proposent des recommandations.

La simulation

La démarche adoptée dans cette étude comporte deux étapes. Dans la première, une simulation économétrique a été appliquée pour détecter les tendances de chacun des signaux liés au virus corona. La deuxième repose sur les résultats obtenus dans la première étape pour simuler ces signaux.

Les données utilisées sont celles du ministère de la santé de la Tunisie. Ce sont des données officielles issues principalement des publications de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes, des annonces et des points de presse du ministère.

Ces données ont concerné les variables suivantes : nombre journalier de tests réalisés (NT), cumul du nombre de jours de confinement sanitaire général (CNJCSG), cumul du nombre de cas confirmés en interaction avec le confinement sanitaire général (CNCCICSG), cumul du nombre de cas en auto isolement en cours de suivi (CNCAICS), cumul du nombre de cas confirmés (CNCC), cumul du nombre de cas hospitalisés (CNCH) et cumul du nombre de décès (CND).

À ce niveau, il faut indiquer qu’un problème a été rencontré lors de la collecte des données sur la série CNCH. Ceci revient d’une part au manque de ces données surtout pour le début de la période et au fait qu’à un certain moment, la note sur la situation épidémiologique COVID-19 concernait le nombre des cas hospitalisés du jour en question et non pas le cumul.

Pour définir les dépendances qui peuvent exister entre ces variables, le système suivant a été estimé :

La période d’étude t est de 32 jours (entre 01/03/2020 et 01/04/2020).

sont des termes d’erreurs. Selon la définition des variables  retenues, les équations  présentées  ne doivent pas comprendre de constantes.

Les résultats de la simulation déterministe statique obtenus dans cette première étape sont récapitulés ainsi :

Les signes des paramètres estimés sont conformes aux signes attendus. Le nombre journalier de tests réalisés n’a pas cessé d’augmenter depuis le début de confinement sanitaire général du fait que l’Etat a réussi à consolidé la capacité du laboratoire principale de l’hôpital de Charles Nicolle en premier lieu et ensuite par l’ajout d’autres laboratoires (Institut Pasteur de Tunis, hôpital Fatouma Bourguiba de Monastir et hôpital Farhat Hached de Sfax). L’interaction du nombre de cas infectés avec l’application du confinement en plus de la conscience des citoyens ont participé à la diminution de cas des suspects et donc du nombre journalier de tests réalisés.

La tendance à la baisse du cumul du nombre de cas en auto isolement en cours de suivi ne peut que fait diminuer le nombre journalier de tests réalisés puisque ces deux variables varient normalement dans le même sens. Le cumul du nombre de cas confirmés tend à augmenter suite à une augmentation du nombre de tests journaliers réalisés.

Par définition, le cumul du nombre de cas hospitalisés et le cumul du nombre de décès sont proportionnelles au nombre de cas confirmés. La relation négative entre le confinement sanitaire général et le nombre de décès explique l’efficacité du choix politique de la décision de confinement et de son prolongement.

L’appréciation des signes et des valeurs des coefficients estimés sont testés dans le graphique ci-après.

Ce graphique montre que globalement les variables endogènes de chaque équation du système sont bien détectées du fait que les allures des courbes des valeurs actuelles de ces variables (Actual) correspondent bien aux valeurs estimés (Baseline). Ceci est valable plus pour le cumul du nombre de cas confirmés et le cumul du nombre de décès par rapport au cumul du nombre de cas hospitalisés et le nombre journalier de tests réalisés surtout en fin de période.

Dans la deuxième étape de la démarche proposée, les paramètres structurels estimés pour les quatre équations comportementales du système proposé seront à la base de la résolution de ce système et donc de la simulation des signaux de la crise. Cette simulation se base sur les hypothèses suivantes :

* H1 : Au jour j recherché,  les tests réalisés ne feront apparaître aucun nouveau cas confirmé. Tous les tests seront négatifs.

* H2 : La période d’auto isolement est fixée à 14 jours.

* H3 : Le nombre de décès causé par le virus devient nul après 14 jours de la date où tous les tests deviennent négatifs.

Selon les experts, ces hypothèses découlent des caractéristiques scientifiques du virus.

La simulation du système selon ces hypothèses fait apparaître que le jour recherché correspondant au nombre de tests positifs nul va coïncider avec le 43e jour de confinement sanitaire général c’est-à-dire entre le 2 et le 3 mai 2020 puisque le confinement a été appliqué entre le 21 et 22 mars 2020. Par ailleurs, le cumul du nombre de cas confirmés va atteindre à cette date 1495 cas avec 108 cas hospitalisés et 50 décès.

Conclusion et recommandation

Cette étude représente un essai de simulation des principaux signaux liés au virus corona. Les résultats obtenus ne seront atteints que si le confinement sanitaire général est maintenu jusqu’à 3 mai 2020. Certes, il y a d’autres données qui peuvent améliorer la qualité des résultats mais malheureusement elles ne sont pas disponibles avec le détail exigé.

Comme tout autre travail de simulation, cette étude peut faire l’objet de critique visant d’apporter plus d’exactitude  aux  résultats  obtenus. 

Par rapport aux autres  pays, les prédictions  obtenus peuvent être acceptés du fait que le nombre de cas confirmés n’a pas atteint comme d’autres pays des niveaux élevés et ce suite aux stratégies préventives adoptées par l’Etat tunisien.

Selon cette étude, la décision de recourir au confinement était d’une grande importance du fait que ce dernier, pris seul ou en interaction avec le cumul du nombre de cas confirmés, a des effets d’atténuation surtout avec la conscience de la population tunisienne.

En plus du suivi et de la consolidation des actions préventives, la seule recommandation que j’apporte et qui a fait l’objet de cette étude est de prolonger encore une fois le confinement sanitaire général jusqu’à 3 mai 2020.

* FSEG Sousse Université de Sousse, Tunisie, LEGI, EPT de Tunis université de Carthage. Tunisie.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!