Pourquoi y a-t-il moins que vingt malades de coronavirus à Mahdia, alors que Kébili en compte plus qu’une centaine? Pourquoi, dans la période de mars et avril, il y avait plus de contaminations au sud que dans les régions côtières ? L’humidité joue un rôle important dans la transmission. Explications…
Par Dr Nawel Belaid *
Dans le gouvernorat de Mahdia, un homme âgé de 65 ans est revenu de l’Italie le 21 février 2020. Il était porteur du Covid-19, mais il ne le savait pas. Il avait rejoint sa famille à Boumerdes, dans ce même gouvernorat, une région où les relations sociales sont très étroites. Durant quinze jours, il avait rencontré plusieurs membres de sa famille. De plus, il s’était fait opérer dans une clinique à Monastir. Il avait aussi rencontré plusieurs personnes au marché et avait également consulté son médecin traitant. Sur une trentaine de prélèvements effectués et malgré ce trajet plein de rencontres et de relations rapprochées, seulement 2 personnes connues ont été contaminées : son frère et sa femme. En effet, à la date du 23 mars, le gouvernorat de Mahdia ne comptait que 3 cas.
Á Douz, dans le gouvernorat de Kébili, un autre homme venait d’arriver de France. Selon des sources locales, il aurait atterri à l’aéroport de Djerba-Zarzis, puis il serait passé par Médenine, pour enfin arriver à sa ville d’origine El-Golâa. Les relations sociales dans cette région sont très étroites.
En effet, la région a enchaîné des cérémonies familiales, des rassemblements festifs, et diverses manifestations sociales. Les visites des malades et des familles des défunts avaient continué malgré le confinement. La distanciation n’était pas respectée et les contaminations s’étaient multipliées dans la région. Le 23 mars, le gouvernorat de Kébili n’avait enregistré qu’un cas Covid-19, mais le 5 mai, le nombre total des malades s’élevait à 106. C’était le gouvernorat le plus touché de la Tunisie après la capitale.
Pourquoi les contaminations étaient limitées à Mahdia, alors qu’elles s’étaient multipliées dans la région de Kébili ?
Certes les relations étaient étroites dans la région du sud, mais le porteur du virus de Boumerdes avait aussi rencontré plusieurs personnes sans qu’elles ne soient contaminées. Ici, la promiscuité seule n’explique pas le nombre des contaminations. Qu’est ce qui a protégé la ville côtière et qu’est ce qui a augmenté la propagation du virus au sud ?
Pour y répondre, on a fait une étude sur le Covid-19 et l’humidité. La corrélation était significative et la transmission du virus était liée à une humidité aux alentours de 50%.
L’air trop humide est chargé de gouttelettes d’eau, il est lourd et se dépose donc par terre, c’est pour cela qu’on décontamine les surfaces.
L’air sec est léger, la vapeur d’eau monte en haut. De plus, le virus est enveloppé d’une membrane qui se détériore avec la sécheresse de l’air.
Dans un air moyennement humide, ni trop lourd, ni trop léger, le virus reste en suspension dans l’air. En même temps, il y a assez de gouttelettes pour préserver sa membrane jusqu’à rencontrer un nouvel hôte. Ainsi un air moyennement humide favoriserait la transmission du virus.
La moyenne d’humidité de Mahdia, dans la période considérée, était de 71%. L’air était trop humide, ce qui aurait limité la transmission du virus.
L’humidité moyenne de la région de Kébili était, en mars et avril, aux alentours de 42%. L’air était donc moyennement humide, ce qui aurait augmenté les transmissions.
Voici deux exemples illustrant comment en partant d’un porteur, on pourrait finir par seulement quelques cas quand l’air est trop humide comme à Boumerdes, ou arriver à une centaine de cas quand l’air est moyennement humide comme à El-Golâa.
Le reste du sud, comme à Tataouine et à Médenine, était également soumis à des humidités moyennes, ce qui a contribué à y augmenter les transmissions du virus.
Tozeur a un climat sec, c’est pour cela que l’épidémie ne s’y était pas propagée.
Quant à la région du nord-ouest, très peu touchée par l’épidémie, elle était protégée par une forte humidité en mars et avril.
Les écarts au confinement et à la distanciation ont été observés partout en Tunisie, et n’expliquent pas la distribution des cas Covid-19 sur la carte du pays.
Ainsi, les météorologues devraient être impliqués dans la lutte contre le Covid-19. Les régions d’humidité moyenne devraient être repérées à l’avance, pour chaque mois de l’année, en s’aidant des archives météo, afin de rompre les chaînes de transmissions à leurs débuts.
L’humidité relative est un bon indicateur du risque de transmission du coronavirus, mais n’oublions pas que d’autres facteurs interviennent dans la transmission : la génétique, les récepteurs aux virus, l’immunité, la promiscuité, la distanciation, la fermeture des frontières et des établissements ouverts au public, les gestes barrières, les moyens de protection, et d’autres facteurs en relation avec l’humidité comme le nycthémère, le vent, la température, les masses d’air, la pression de l’air, la latitude et l’altitude…
* Médecin à Sousse.
Donnez votre avis