Le président de l’Association Tunisie Ecologie (ATE), Abdelmajid Dabbar, s’inquiète de la situation du parc national d’Ichkeul : «La mort certaine du meilleur patrimoine naturel en Tunisie, que nous n’avons pas su conserver», prévient-t-il.
Par Yüsra Nemlaghi
L’activiste tire la sonnette d’alarme, en précisant que le parc d’Ichkeul, à Menzel Bourguiba (Bizerte), est sérieusement menacé, à cause de l’étranglement définitif du dernier oued, soit une rupture de toutes les sources d’eau qui alimentent le lac du parc.
L’étranglement des sources d’eau qui alimentent le lac Ichkeul, par la construction de plusieurs barrages d’eau (Sejnane, Ghézala, El-Malah et Oued Ettine) dans tous les bassins versants, et un autre à Douimess, dont l’achèvement vient d’être annoncé, fera bientôt de ce parc une simple zone humide, indique M. Dabbar, en ajoutant : «C’est ainsi, que l’Ichkeul était un patrimoine mondial, il est déclassé pour être réduit à un patrimoine local, pas même national».
«Je me demande quel responsable de l’État Tunisien aura le courage d’ouvrir une des vannes des 6 barrages pour conserver et protéger l’écosystème unique quand l’Ichkeul deviendra à sec ?», s’est interrogé le président de l’ATE.
Pour lui le parc souffre d’une gestion en compétition entre 2 organisations étatiques, qui se jettent les responsabilités des défaillances : «l’Agence nationale de protection de la nature et l’environnement (ANPE) draine beaucoup de financements des bailleurs de fonds internationaux, pour les dépenser sur des banalités, au lieu de se donner des priorités, la première étant de faire sortir tous les troupeaux sauvagement introduits dans le parc, et Direction générale des Forêts (DGF) à qui reviennent la conservation et la gestion du parc».
Conséquences de ces problèmes : la plupart des oiseaux ont déserté le parc Ichkeul pour se réfugier au lac El-Kala en Algérie, le buffle, un des emblèmes de ce parc, a aussi déserté les marais, suite à l’absence de pâturage, notamment à cause des occupations interdites de troupeaux de moutons et de vaches, ainsi qu’une sédimentation formée par les rares crues après les précipitations, qui amènent au lac des eaux chargées de boues et qui ne s’évacuent plus par l’oued Tinja à cause de d’étranglement et l’obstruction de l’écluse, non fonctionnelle depuis plusieurs années.
M. Dabbar rappelle aussi dans son cri de détresse que le lac et les marais de l’Ichkeul sont depuis longtemps reconnus (avec Donana en Espagne, la Camargue en France et El-Kala en Algérie) comme une des quatre principales zones humides du bassin occidental de la Méditerranée, et en déplorant que la Tunisie ait tourné le dos, cette année, au monde des sages.
«Un séminaire d’urgence devrait bientôt être tenu pour unir tous les intervenants et essayer de sauvegarder… ce qui reste à conserver», a-t-il encore ajouté.
Y. N.
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