Jadis fleuron de l’économie tunisienne, qui contribue d’une bonne part aux recettes de l’Etat et permet de rééquilibrer la balance extérieure, l’industrie du phosphate est devenue un véritable casse-tête pour les pouvoirs publics : production en berne, atteinte à l’environnement et grogne sociale. Et les solutions tardent à être mises en route…
Par Amine Ben Gamra *
L’exportation de phosphates, secteur clef de l’économie tunisienne, est l’un des gros employeurs du pays. Autrement dit, l’exploitation du phosphate assure un rôle économique et social important dans notre pays, surtout dans la région du bassin minier de Gafsa, ne disposant pas d’autres ressources importantes. Aussi, les pouvoirs publics l’ont-ils toujours utilisée pour combattre le chômage. Pour autant, ces embauches n’ont pas forcément garanti un surcroît de productivité. Au contraire…
La non-acceptabilité sociale et environnementale
Mais, au moment où le commun des mortels pense que l’accroissement de la production et de la transformation de phosphate pourraient booster les exportations du pays, atténuer le déficit exorbitant de la balance commerciale et contribuer à la reprise économique, le coût de la pollution à Gabès, où l’essentiel de cette ressource est traité, devient insupportable. Et pour cause, la non-acceptabilité sociale et environnementale de la production des dérivés chimiques du phosphate, matières extrêmement polluantes, exploitées en plus de façon inéquitable, risque, à l’avenir, de coûter très cher à l’Etat.
D’une façon ou d’une autre, l’Etat est dans l’obligation impérative de restructurer cette industrie extrêmement polluante sur de nouvelles bases plus soucieuse des équilibres écologiques et de la santé des citoyens, alors qu’il faut énormément d’investissements pour que cette industrie devienne propre. Mais c’est le contribuable qui va être obligé, un jour ou l’autre, de mettre la main à la poche pour financer la restructuration de ce secteur, jadis fleuron de l’économie tunisienne devenu aujourd’hui problématique voire sinistré, en raison des mouvements sociaux bloquant la production et l’exploitation. Et pour cause : pour assurer une expansion équilibrée et durablement viable, les industries phosphatières ont besoin d’être visibles à l’international, respectueuses de l’environnement et socialement inclusives.
Le plan stratégique de relance se fait attendre
Actuellement, l’exploitation du phosphate en Tunisie ne montre aucun signe d’amélioration ni quantitative (la production et l’exportation ayant été divisées par deux depuis 2010) ni qualitative (puisqu’elle demeure très polluante) et la Tunisie a perdu de précieux marchés d’exportation pour l’acide phosphorique et les engrais.
Il est donc clair que l’État n’a pas réussi à proposer un plan stratégique pour relancer la production en berne depuis dix ans, faire face aux conséquences de la pollution, diversifier l’économie de la région minière et calmer la grogne permanente de ses habitants. Il se montre également réticent à construire de nouvelles infrastructures et tous les projets dans ce secteur ne dépassent pas l’effet d’annonce, les paroles étant rarement suivies d’exécution.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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