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Vers la dégradation de la qualité des portefeuilles de crédits des banques tunisiennes

La crise sanitaire actuelle induite par la pandémie du coronavirus (Covid-19), dont il est difficile de prévoir la durée, impactera sans doute la capacité de remboursement des entreprises avec pour conséquence la dégradation de la qualité des portefeuilles de crédits du secteur bancaire, déjà fortement plombé par les créances irrécouvrables.

Par Amine Ben Gamra *

Le véritable défi auquel devra faire face notre système bancaire aujourd’hui c’est celui de la récupération des énormes créances irrécouvrables qui plombent les comptes de nombreuses banques, empêchant certaines de prêter à de jeunes entrepreneurs qui, le plus souvent, se lancent sans la moindre aide de l’État et d’un système bancaire qui, pour l’essentiel, prête aux riches et pour la consommation mais n’a que faire, souvent, d’un business plan présenté par un jeune ambitieux souhaitant démarrer un projet.

Une flambée des impayés sans précédent à l’horizon

En d’autres termes, les jeunes entrepreneurs qui veulent créer une entreprise ne trouvent pas de ligne de crédit auprès des banques parce que certains opérateurs économiques, et pas des moindres, ne veulent pas rembourser leurs dettes envers le secteur bancaire. Et l’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT), actuellement examinée par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), est l’illustration des graves dérapages commis dans ce domaine avec une douteuse complicité entre banquiers, hommes d’influence et opérateurs économiques véreux.

Déjà, avant la crise du Covid-19, les créances douteuses représentaient 20 à 24% du PIB ce qui faisait du système bancaire tunisien parmi les plus criblés de prêts non-performants au monde. La situation va empirer aujourd’hui vue que l’activité de la majorité des entreprises est fortement ralentie, voire à l’arrêt, à cause du confinement général décrété par le gouvernement, et la crise sanitaire actuelle va faire naître une flambée des impayés sans précédent dans l’histoire de l’économie tunisienne.

Autant dire que la crise sanitaire actuelle, dont il est difficile de prévoir la durée, impactera la capacité de remboursement de la clientèle avec pour conséquence, la dégradation de la qualité des portefeuilles de crédits du secteur bancaire.

Vers la création d’une société de gestion des actifs

Dans ce contexte, la mise en place d’une société de gestion des actifs en Tunisie va devenir une urgence et une préoccupation majeure autant pour les pouvoirs publics que pour les créanciers et en particulier les organismes financiers.

Une telle structure reprendrait les actifs invendables de toutes les entités économiques et permettrait de se donner du temps pour céder les actifs non-liquides, avec plus ou moins de casse.

Les sociétés de gestion des actifs existent depuis très longtemps à l’étranger : apparues en Europe à la fin du 20e siècle et début du 21e, avec la création de Securum en Suède en 1992, de Consortium de Réalisation (CDR) en France en 1995, de la Swiss National Bank Stabilization Fund (SNB Stab Fund) en Suisse en 2008 et de la Société de gestion des actifs procédant de la restructuration bancaire (Sareb), en Espagne, en 2012.

Il est grand temps que cette forme de société voit le jour en Tunisie.

* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.

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