Jamais la Tunisie n’a été aussi près d’institutionnaliser une politique de discrimination et de déni à l’égard de ses citoyens de l’étranger, allant aujourd’hui jusqu’à les racketter légalement.
Par Fawzia Zouari *
Diabolisés, ostracisés, suspectés dans nos compétences, reçus comme des touristes de seconde catégorie, traités de bâtards, d’orphelins ou de vendus et, actuellement, perçus comme des pestiférés à cause de la pandémie, nous avons appris à encaisser.
Nous, ou la plupart d’entre-nous, émigrés de longue date, qui, depuis toujours, restons fidèles à un seul but : tenir le rang de notre pays.
Nous qui n’avons jamais cessé de l’aimer, de le servir, d’en être les meilleurs ambassadeurs et de faire entendre sa voix à l’international.
Nous qui nous sentons blessés chaque fois qu’on critique la Tunisie, qu’on minimise son Histoire, qu’on touche à ses acquis.
Nous qui réservons le peu ou le gros de nos économie pour les dépenser au bled et aider ceux de nos proches, amis ou voisins sur place, sans peser sur le budget local ni profiter des garanties de consommation sur place.
Nous qui, poussons sans cesse nos connaissances et compatriotes de l’étranger à faire de la Tunisie la destination de leur voyage.
Nous que l’État post 2011 n’a eu de cesse d’ignorer (sauf quand il s’agit de voter) et de négliger : ainsi de l’absence d’ambassadeurs et de consuls dans des pays comme la France qui compte la diaspora la plus importante; ainsi de la tentative de mettre fin à la prise en charge étatique des frais de rapatriement des morts, suivie de celle d’en imposer aux vivants en leur faisant payer leur rapatriement au prix fort, en leur imposant la prise en charge de leur isolement obligatoire dans les hôtels et en augmentant les frais consulaires.
Drôle de politique, petite, démagogique, injuste, qui ostracise, divise, établit de faux critères entre les Tunisiens, au risque de déroger à la Constitution.
Mais à quoi bon les reproches et à qui les adresser? Personne ne nous écoute dans la cacophonie actuelle et parmi ceux qui pensent d’abord à occuper les sièges et à se remplir les poches et pour qui les Tunisiens de l’étranger sont le dernier de leur souci, d’autant plus que nous ne demandons ni postes, ni pouvoir. Simplement l’équité. Le droit à un traitement égalitaire. Une patrie reconnaissante.
Cela dit, rien ne viendra à bout de notre attachement à la Tunisie, au nez et à la barbe de ceux qui veulent nous en dégoûter. Ils pourront y instaurer la jizya**, l’émirat, le niqab et la potence nous y reviendrons. Et nous paierons même si nous n’avons pas le sou – car, contrairement à ce que beaucoup pensent, nous ne sommes pas forcément riches parce que nous habitons en Occident.
Nous reviendrons parce que nous voulons rester fidèles à l’esprit de nos glorieux ancêtres comme à celui de nos grands leaders tels que Bourguiba, auprès desquels les agitateurs politiques actuels ne sont que de simples figurants de l’Histoire. Ne restera que la Tunisie. Son blé, son ressac, ses mausolées, son ciel serein et le chant de sa terre bénie où dorment nos aïeux.
* Écrivaine et éditorialiste.
** C’est un impôt annuel de capitation évoqué dans le Coran et collecté sur les hommes pubères non musulmans (dhimmis) en âge d’effectuer le service militaire contre leur protection.
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