Démission? Destitution? Elyes Fakhfakh doit choisir! Lui, le gars de gauche, le social-démocrate, le BCBG, est pris en flagrant délit, la main dans le sac des impôts des contribuables! Fakhfakh tombe les masques de son gouvernement, après seulement 120 jours de plein pouvoir pour contrer la Covid-19!
Par Moktar Lamari, Ph.D.
Son masque tombe et on découvre un chef de gouvernement, rien à voir avec les valeurs sociales qu’il a faussement prétendues. Un affairiste pressé, alors que tous s’attendaient de lui une gestion éthique, une gouvernance compétente pour sortir la Tunisie de son marasme économique, qui dure depuis la révolte du jasmin en 2011.
Le scandale Fakhfakh porte sur des contrats de plus de 40 millions de dinars, d’argent public, octroyés à des entreprises lui appartenant, totalement ou partiellement, directement ou indirectement, alors que la Tunisie était en confinement et l’économie à l’arrêt. Alors que l’économie ne pouvait même pas financer les équipements et les outils requis pour les tests de dépistage du coronavirus.
Le scandale Fakhfakh m’inquiète pour deux raisons ayant trait à la dignité de l’État tunisien et à sa rectitude quoiqu’il arrive.
Des ministres peu scrupuleux
La confiance publique envers le gouvernement Fakhfakh périclitait dangereusement durant les trois moins de confinement. Les perceptions sont franchement négatives à l’égard de nombreux ministres, députés et conseillers, jouant les «experts» de tout acabit au sommet de l’État. Le fléau de la corruption sévissait dangereusement au sein de l’État et ses institutions (lois, constitutions et valeurs), et Fakhfakh n’a rien fait pour rassurer.
Son gouvernement pléthorique fait du surplace et n’ose pas toucher au phénomène de la corruption qui mine l’État. Chacun des partis, représentés dans son gouvernement voté à la hâte, détient des dossiers et des preuves de corruption et de conflit d’intérêts sur les autres partis.
Chacun détient l’autre en otage, la logique mafieuse est connue : si quelqu’un dénonce la corruption, il coule avec le dénoncé ! En économie publique, cela s’appelle le «dilemme du prisonnier», situation où les «criminels» ne se dénoncent pas, pour passer au travers des filets de la justice… et des institutions.
Fakhfakh et son jeune gouvernement hétéroclite ont terni, plus que jamais, l’image de l’État tunisien.
Au moins 4 ministres du gouvernement Fakhfakh ont «déclinqué», et contre lesquels Fakhfakh n’a pu rien faire, parce qu’il sait que ses ministres savent qu’il n’est pas «net», alors qu’il était pressenti comme l’homme providentiel pour l’économie et méritant plein pouvoir, pour gérer la Covid-19.
Juste quelques faits qui me restent au travers de la gorge. Le ministre de l’Énergie, des Mines et de la Transition énergétique, Mongi Marzouk, a «fugué», comme un vulgaire «harrag» clandestin, en plein confinement, pour se rendre à Paris, avec passeport français et «avantages» liés. Bloqué à Paris, ce ministre recevait son salaire, merci, les contribuables, les vaches à lait du système. Aucune suite n’a été donnée… aucune sanction! Circuler, rien à voir, le ministre s’en sort net, alors que des citoyens ayant enfreint les règles du confinement sont emprisonnés et malmenés comme des malfrats.
Un autre ministre, celui du Transport et de la Logistique, Anouar Maarouf, a passé sous silence la démolition de sa deuxième limousine, coûtant 200.000 dinars, dans un accident impliquant directement sa fille. Ici aussi, rien à dire, rien à faire, la justice suit son cours… et on joue les prolongations.
Un autre ministre, Salah Ben Youssef, ministre de l’Industrie, a négocié des contrats publics en urgence avec un député possédant des usines de textile dans le Sahel. Le tout se passe en dehors des circuits et procédures.
Personne ne démissionne, personne ne dénonce et encore une fois, Fakhfakh, le social-démocrate, passe l’éponge pour que ses ministres gardent le silence sur sa mal-gouvernance des budgets publics et surtout de l’aide internationale (5 milliards de $US) qui est arrivée entre mars et juin, pour aider la Tunisie à s’en sortir de la pandémie de la Covid-19.
Son ministre dédié à la Fonction publique, à la Gouvernance et à la Lutte, Mohamed Abbou ne dit rien ou se perd dans des justifications oiseuses. Il ne veut pas compromettre sa longévité en politique. Les institutions dédiées à la production des statistiques économiques sur les impacts de la Covid-19 gardent le silence et couvrent la mal-gouvernance dans tous ses états.
Fakhfakh : déliquescence de l’État ?
L’État c’est comme un édifice qui a besoin de piliers solides pour se maintenir. La gouvernance devait entretenir ces édifices et les renforcer. Durant son court passage (120 jours), Fakhfakh a envoyé un maximum de bluff : de l’air et des bulles dans ces piliers, pour les liquider… beaucoup plus que ses prédécesseurs.
La déliquescence est définie comme la liquéfaction d’un solide par l’envoi de l’air et de l’eau dedans. Fakhfakh, dont les conglomérats d’entreprises lui appartenant ont pris l’«eau» comme niche d’affaires, sait en principe, ce qu’il fait. Il sait que la politique permet d’accéder aux ressources monétaires qu’il n’a pas obtenues par le jeu du marché concurrentiel et libre.
Le principal délit commis par Fakhfakh est à l’encontre de l’économie, alors que celle-ci était à genoux! Il avait une dent contre et des comptes à régler avec des secteurs économiques (tourisme, bâtiment, etc.), contre des régions (Djerba, Tataouine, Gafsa, etc.). Lui qui habite indûment dans une villa (Andalousia à Sidi Bous Said) et qui coûte à l’État un manque à gagner de 500 euros par nuit, soit 15.000 euros par mois (45.000 dinars par mois), le tout payé par les contribuables… pour un social-démocrate, imposé contre vents et marées.
Le deuxième délit commis par Fakhfakh est contre les citoyens de Tataouine. Au lieu d’honorer les engagements de l’État, il a déversé des milliers de bombes de gaz lacrymogène et envoyé des policiers pour matraquer des manifestants, qualifiés de «jboura» (attardés) par un policier dans une vidéo ayant fait le tour du web. Un délit qui le discrédite aux yeux de toutes les régions de la Tunisie profonde et déshéritée (60% des citoyens).
Fakhfakh doit refaire ses devoirs. Il doit faire son mea-culpa! Il doit mieux afficher ses couleurs et passer par les élections pour se refaire une virginité politique.
En attendant, il choisira entre démission et destitution.
Il peut aussi faire défection pour chercher à survivre en tant chef de gouvernement affaibli et prêt à tout, en se prêtant toujours aux jeux malsains de la petite politique. Il est capable de jouer ce rôle.
Mais, l’économie tunisienne n’en peut plus de ce genre de gouvernance illégitime, illégale, délinquante et faible, prête à toutes les capitulations.
Le président de la République, Kaïs Saïed doit prendre distance de son «poulain»; un poulain trop affairiste, trop maladroit, et de plus en plus hors-jeu dans le contexte de la détresse économique que vit la Tunisie.
* Universitaire au Canada.
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