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Tunisie : Les partis sont à l’origine du problème et ne peuvent en être la solution

Soutenu par un Kaïs Saïed au sommet de sa popularité, le chef de gouvernement désigné Hichem Mechichi peut constituer un gouvernement de compétences nationales indépendantes des partis. Mais sa tâche sera lourde : il doit liquider le lourd héritage de neuf ans de gestion chaotique et de rapine pure et simple ainsi que d’enclencher la relance économique et d’opérer les ajustements des équilibres sociaux. Sans les partis mais pas à leur insu…

Par Mounir Chebil

Suite à la démission du chef de gouvernement Ellyes Fakhfakh, le président de la république Kaïs Saïed s’est refusé d’être le Bonaparte du 18 brumaire. Conformément à la constitution, il a désigné Hichem Mechichi pour constituer un nouveau gouvernement.

Or, l’entente entre MM. Saïed et Mechichi a porté sur un gouvernement composé de personnalités de hautes compétences et indépendantes des partis. Sur ce, Le Conseil de la Choura d’Ennahdha a délibéré et légiféré. La compétence et la probité ne sont pas nécessaires pour la Tunisie. De bonnes et sincères prières par de bons frères musulmans au pouvoir et la Tunisie est sauvée. Le problème c’est que, depuis neufs ans qu’ils prient du haut des sphères de l’Etat et construisent des mosquées et cela n’a pas empêché le pays de s’engouffrer chaque jour un peu plus dans un abîme sans fond.

Des tocards nés et des vendus patentés à la Sublime porte

Les partis qui ont gouverné avec Ennahdha ou l’ont soutenu ou ménagé sont eux complices dans le chaos économique, politique et social dans lequel le pays est enlisé. Pourtant, ils continuent à croire qu’ils ont la légitimité de gouverner. Mechichi devrait composer avec eux dans le cadre d’un gouvernement politique d’union nationale. Il devrait, puiser en leur sein les compétences dont le pays a besoin, comme si le savoir pouvait sortir de la tête des tortues.

Certes, dans les courses hippiques, il arrive que des tocards gagnent des compétitions et rapportent gros à ceux qui ont parié sur eux. Mais peut-on encore miser sur les islamistes et leurs laquais, dont les analyses génétiques ont confirmé qu’ils sont des tocards nés et des vendus patentés à la Sublime porte.

Ces rapports d’analyses n’ont laissé de choix au président de la république et au chef de gouvernement désigné que de décider de constituer un gouvernement composé de personnalités de hautes compétences et indépendantes des partis. La réponse de Mechichi aux partis était sans équivoque : vous avez brayé, caqueté, et vous vous êtes suffisamment disputés entre vous. Le pays n’est pas un gâteau pour que vous vous le partagiez. Ceux qui ont été à l’origine du problème ne peuvent en être la solution. Donc, le gouvernement d’union nationale ne peut être constitué avec des tocards avérés gambadant en électrons libres sans avoir de ligne d’arrivée en vue.

La raison d’Etat nécessite l’exclusion des partis pour faire prévaloir l’intérêt général

Le gouvernement d’union nationale doit être compris dans le sens de gouvernement de salut public où, c’est la raison d’Etat qui doit primer. Si la raison d’Etat nécessite l’exclusion des partis du prochain gouvernement pour faire prévaloir l’intérêt général, la souveraineté du pays et l’intégrité du territoire, qu’il en soit ainsi. En ces domaines, Kaïs Saïed n’a de leçon à recevoir de personne, et ce, quelles que soient les réserves qu’on puisse avoir sur sa vision du nouveau système politique qu’il veut instaurer.

Quand le débat, sur ce dossier serait ouvert, tout le monde aurait à se prononcer là-dessus, comme pour le cas de l’égalité d’héritage où le président a commis l’erreur, le 13 août 2020, jour de célébration de la fête nationale de la femme, de se dresser en mufti. un Président qui défend un Etat civil ne devrait pas aller si loin en affirmations qui relèvent de la théologie pure.

Pour l’instant, l’objectif de Saïed est clair : encercler l’islamisme politique, limer les ongles des Frères musulmans pour les empêcher de nuire davantage et d’ouvrir la citadelle Tunisie devant les hordes de Sinan Pacha. Les «Frères» affaiblis, leurs valets auraient tendance à changer le fusil d’épaule et les dossiers accablant les islamistes auraient plus de chance de sortir des tiroirs.

Pour sa part, Mechichi aurait la charge de liquider le lourd héritage de neuf ans de gestion chaotique et de rapine pure et simple ainsi que d’enclencher la relance économique et d’opérer les ajustements des équilibres sociaux. Ceux qui attendent des résultats concrets à très courts termes doivent prendre leur mal en patience. Le président de la république est tenu d’agir dans la discrétion et avec prudence car, le pays est assis sur le cratère d’un volcan que les islamistes cherchent à réveiller.

Le gouvernement Mechichi, une fois constitué, s’il obtenait la confiance des députés, marcherait sur une corde raide. Il aurait à concilier entre relance économique, austérité et attentes sociales que les perdants auraient tendance à traduire en agitations sociales récurrentes et sabotages pour renverser le gouvernement et provoquer des élections législatives anticipées.

Le président de la république ne manque pas d’atouts, mais il doit avoir de l’audace

Là, aussi bien le président que le chef de gouvernement ne devraient pas tomber dans le piège et les manœuvres tendancieuses des prétendus défenseurs des droits de l’Homme et des libertés. L’autorité de l’Etat ne doit souffrir d’aucune faiblesse ou hésitation. Mais surtout, les deux têtes de l’exécutif doivent créer des canaux de communication avec le peuple pour le sensibiliser sur leurs politiques, et l’éclairer sur les enjeux en cours et les défis à lever.

Sur le terrain, la légitimité populaire du scrutin majoritaire à deux tours, et la majorité de 72% des suffrages exprimés avec lesquels Kaïs Saïed est élu, doivent faire taire les élus avec les plus grands restes. Au début, le silence du président était intrigant, aujourd’hui sa parole serait de diamant.

Le président de la république doit donner toute son effectivité à l’article 72 de la constitution qui dispose : «Le président de la république est le chef de l’État et le symbole de son unité. Il garantit son indépendance et sa continuité et veille au respect de la Constitution.» Il doit respecter le serment qu’il a prononcé avant son investiture conformément à l’article 76 qui énonce : «Le président de la république élu prête devant l’Assemblée des représentants du peuple le serment suivant : ‘‘Je jure par Dieu Tout-Puissant de sauvegarder l’indépendance de la Tunisie et l’intégrité de son territoire, de respecter sa Constitution et ses lois, de veiller à ses intérêts et de lui être loyal». Enfin, le président doit assumer son rôle de président du Conseil de la sécurité nationale tel que libellé à l’article 77 de la constitution ainsi que d’assurer pleinement le haut commandement des forces armées.

Le président de la république détient plusieurs atouts qui feraient que, bon gré mal gré, la confiance de l’ARP serait accordée au gouvernement Mechichi. Dans ce cas, les forces vives doivent soutenir ce gouvernement et ne doivent pas le laisser seul se débattre au milieu des vagues d’une mer hostile.

Si la confiance n’était pas accordée à ce gouvernement, le risque serait grand pour que la Tunisie se «libanise». Alors, serait-il opportun d’espérer qu’un 18 brumaire survienne pour éviter ce cauchemar au pays.

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