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Pour une meilleure compréhension du phénomène jihadiste en Tunisie

Mustapha El Haddad.

La Tunisie serait-elle devenue un «vivier» du «terrorisme jihadiste» mondial ? S’interrogent certains observateurs depuis 2012. Notre pays, qualifiée d’«exception» du Printemps arabe, serait-il devenu le plus important pourvoyeur de jihadistes ? Ces questions, qui font débat, sont développés dans un ouvrage fort documenté de Mustapha El Haddad, paru récemment aux éditions Arabesques, à Tunis.

Par Meriem Majdoub

Depuis le début de la décennie 2010, l’afflux de combattants étrangers vers certaines zones de conflit, plus particulièrement la Syrie, a touché un grand nombre de pays. Afin d’expliquer ce phénomène, inédit dans le monde, plusieurs études et articles ont été publiés depuis 2013. La plupart de ces travaux analysent ce phénomène en mettant l’accent sur un facteur explicatif particulier : économique, sociologique, psychologique ou encore culturel et religieux. Mais peu ont tenté d’analyser comment la Tunisie est devenue en quelques années l’un des plus importants pourvoyeurs de combattants étrangers.

L’ampleur du phénomène jihadiste

Afin de mieux comprendre ce que certains analystes qualifient de «paradoxe tunisien», l’essai de Mustapha El Haddad intitulé ‘‘L’embrigadement des jeunes pour le jihad : le paradoxe tunisien’’ se propose d’apporter des éléments de réponse à certaines des questions soulevées.

Dans le premier chapitre de cette étude sont abordées les questions relatives à l’importance du phénomène jihadiste récent : combien de Tunisiens ont rejoint le jihad dans les zones de conflit à l’étranger? Depuis quand date cet afflux ? Et quelles sont les zones de combat privilégiées par ces jihadistes?

Ces questions méritent qu’on s’y intéresse car le nombre de jihadistes ayant combattu à l’étranger a sensiblement varié dans le temps et selon les sources d’information. De plus, durant les premières années de la guerre civile syrienne, la principale destination des combattants étrangers était souvent éludée, certaines parties prenantes ayant tenté de minimiser le phénomène ou d’en diluer la portée.

Le profil et la provenance des jihadistes

La deuxième série de questions, objet du chapitre II, concernent le profil des combattants et les facteurs ayant déterminé leur engagement auprès de mouvements islamistes radicaux syriens. Qui sont les combattants tunisiens ? Quelles seraient leurs motivations pour rejoindre le jihad à l’étranger? Quel serait leur profil et peut-on parler d’un profil type? La toile regorge d’analyses de spécialistes qui ont privilégié un facteur explicatif particulier. D’autres ont avancé des facteurs conjoncturels tels que le Printemps arabe ou la proclamation du califat par Daech. Des études plus récentes, multifactorielles, ont abouti à une explication plus complexe du phénomène du jihadisme récent. Une revue des études les plus pertinentes et de la chronologie des événements a permis d’avancer quelques éléments de réponse à cette deuxième série de questions.

Le mode d’organisation des réseaux de combattants

Le chapitre III traite du mode d’organisation des réseaux d’embrigadement des combattants, un indispensable complément des analyses précédentes. Comment fonctionnent ces réseaux? Comment les candidats au jihad sont-ils recrutés, formatés et convoyés vers les zones de conflit ? Comment sont financés ces réseaux? Qui sont les principaux acteurs, en Tunisie et à l’étranger, de cette mobilisation ?

À partir des enquêtes et témoignages publiés, l’auteur a passé en revue les différentes étapes du recrutement au convoyage des apprentis jihadistes ainsi que le mode de fonctionnement et de financement de ce réseau transnational d’embrigadement.

La mobilisation internationale contre le fléau jihadiste

Dans le chapitre IV, vu la dimension internationale prise par la mobilisation exceptionnelle de combattants étrangers au profit de la rébellion islamiste radicale syrienne, et afin de saisir ce phénomène dans sa globalité, il a été nécessaire de compléter l’analyse par une revue : (a) des événements majeurs ayant marqué la guerre civile syrienne, (b) des forces en présence et du jeu de leurs alliances respectives durant le conflit, (c) des principaux enjeux du conflit syrien, en particulier de la question de l’accès aux marchés et aux ressources de gaz naturel pour les protagonistes.

Dans le dernier chapitre, compte tenu de la dimension planétaire de la mobilisation des combattants étrangers en faveur de la Syrie, l’auteur donne un aperçu des résolutions spécifiques prises par le Conseil de sécurité des Nations Unies en matière de lutte contre le phénomène de «combattants terroristes étrangers» et des obligations qui en découleraient pour les Etats membres de l’ONU. Cette revue est enfin complétée par un examen du rôle joué par les autorités tunisiennes sous la «Troïka», l’ancienne coalition gouvernementale dominée par le parti islamiste Ennahdha, de décembre 2011 à décembre 2014, puis sous la présidence de l’ancien président Béji Caïd Essebsi, de janvier 2015 à juillet 2019.

En annexe, sont proposés des extraits de quelques textes de référence, une chronologie couvrant les principaux événements depuis 2011 et une liste exhaustive des références.

L’auteur, Mustapha El Haddad, ingénieur à la retraite, a publié en 2018 une ‘‘Chronique de la violence politique sous la Troïka’’. Sa présente étude fait suite à cette chronique avec, à la fois, le souci du devoir de mémoire et d’une quête d’une meilleure compréhension des mutations et ruptures qui traversent la société tunisienne.

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