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L’OMCT dénonce la détention arbitraire d’un migrant depuis plus d’un an à El-Ouardia

Prière collective de migrants détenus dans le centre de détention d’El-Ouardia.

Le ministère de l’Intérieur tunisien vient à nouveau d’être assigné devant le tribunal administratif pour la détention arbitraire d’un migrant dans le centre d’El-Ouardia, dans la banlieue sud de Tunis, indique l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans un communiqué publié à Tunis, le 24 février 2021, que nous reproduisons ci-dessous…

Cela fait plus d’un an que Rajabu Kilamuna est détenu arbitrairement, sans fondement juridique, dans le centre de détention officieux d’El Ouardia. Arrêté le 14 février 2020 sans mandat et sans même une quelconque explication, il a été conduit brièvement dans un poste de police puis placé en détention au centre d’hébergement d’El Ouardia. Bien que privé de liberté, il n’a jamais été présenté devant un juge, n’a jamais été informé du motif de sa détention, de la durée de sa détention, de son droit à être assisté d’un avocat et de son droit à contester sa privation de liberté devant une instance juridictionnelle. Et pour cause, sa détention n’a aucun fondement !

Aucun texte juridique tunisien ne permet la détention administrative de migrants illégaux. La loi de 1968 sur la condition des étrangers en Tunisie sanctionne pénalement l’entrée et le séjour irréguliers en Tunisie. Mais M. Kilamuna n’a jamais fait l’objet de poursuites pénales pour séjour illégal. Il disposait d’ailleurs d’une carte de demande de statut de réfugié lors de son arrestation. La même loi permet aussi au ministère de l’Intérieur d’ordonner l’expulsion de tout étranger qui seraient considéré comme constituant une menace pour l’ordre public. Un tel ordre devrait être notifié par écrit, motivé, et susceptible de recours. Si l’expulsion ne pouvait être mise en œuvre, l’étranger visé par l’arrêté d’expulsion pourrait être assigné à résidence dans un lieu fixé par le ministère. Mais M. Kilamuna ne s’est jamais vu notifier d’arrêté d’expulsion, ni de placement en assignation à résidence.

375 jours après son arrestation et alors que sa santé se dégrade chaque jour davantage, en raison d’un diabète et d’un problème à la colonne vertébrale mal soignés, il ne sait toujours pas pourquoi il est privé de liberté ni jusqu’à quand. En dehors de tout cadre juridique, il est détenu dans un lieu considéré d’un point de vue légal comme un centre d’hébergement et d’orientation. Un centre dont il ne peut pourtant pas sortir et qui opère concrètement comme un centre de détention illégal. M. Kilamuna est une victime parmi d’autres d’un système de rétention administrative officieux dénoncé de longue date par les organisations de la société civile.

En juin 2020, nos organisations lançaient déjà un cri d’alerte sur cette pratique de détention arbitraire systémique et ont accompagné un groupe de 22 migrants dans leur saisine du tribunal administratif afin de mettre fin leur détention. Ils ont fini par être libérés tardivement d’El Ouardia, à la faveur de décisions positives du tribunal administratif.

Face à la persistance du ministère à priver arbitrairement des migrants de leur liberté, nos organisations, avec le soutien de Me Faten Abassi, ont à nouveau recours au tribunal administratif pour faire annuler la détention arbitraire de M. Kilamuna et, à travers lui, celles de tous ceux qui transiteraient à El-Ouardia. La détention arbitraire est une des atteintes les plus graves au droit international des droits de l’homme. C’est aussi une violation de l’article 29 de la Constitution tunisienne ainsi qu’une infraction pénale passible de 10 ans d’emprisonnement voire plus, au titre des articles 250 et suivants du Code pénal tunisien.

Il est primordial que le tribunal administratif joue son rôle de garde-fou contre toutes violations des droits humains et garantisse à tou.te.s, Tunisien.e.s et étranger.e.s, la protection par la loi.

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