Comme d’habitude, les dirigeants tunisiens s’adressent aux bailleurs de fonds internationaux pour obtenir de l’argent en leur faisant de fausses promesses de réformes économiques, rarement suivies d’effet. Or, ce recours excessif à l’endettement pour financier l’économie, devenu systématique depuis 2011, est très toxique. Solution de facilité, la dette crée des problèmes plus qu’elle n’en résout et pourrait même tuer une économie essoufflée et en fin cycle.
Par Amine Ben Gamra *
L’endettement extérieur de la Tunisie représente actuellement plus de 100% du PIB. Au cours de la décennie 2010-2020, il y a eu un doublement du taux d’endettement extérieur du pays qui, rappelons-le, était inférieur à 50% (48,9%) au terme du 3e trimestre 2010.
Aujourd’hui, chaque Tunisien supporte un endettement extérieur supérieur à son revenu annuel moyen : près de 9.200 dinars. Suite à la pandémie de la Covid-19, la situation devient très difficile et le risque de ne pas pouvoir honorer ses engagements envers les bailleurs de fonds internationaux devient très élevé. Or, on ne le sait que trop, au-delà des chiffres, la dette tue l’économie.
De l’argent en échange de fausses promesses
Tant que les dirigeants tunisiens resteront convaincus qu’ils peuvent obtenir de l’argent en échange de fausses promesses, il y a peu de chances que des réformes économiques sérieuses soient menées.
Au lieu de s’adresser aux bailleurs de fonds internationaux et préparer des actions occultes qui seront examinées et réajustées par le Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement aurait dû penser à changer le modèle de développement économique et social et repositionner la Tunisie dans son environnement régional et international profondément affecté par la pandémie. Car, à travers l’accord en cours de négociation, le gouvernement et l’instance financière internationale pourraient écraser le pouvoir d’achat des couches les plus pauvres de la population.
La crise pourrait être une chance pour la Tunisie
Eu égard l’état actuel de son économie nationale et la crise sévissant sur le plan international, la Tunisie ne pourra s’en sortir sans un plan de relance économique, avec notamment la révision du code des changes, l’augmentation de la productivité du port de Radès, véritable talon d’Achille de notre économie, l’accélération de la réalisation des projets dans les régions, la restructuration-assainissement des entreprises publiques, souffrant pour la plupart de déficit chronique et vivant sous perfusion, en émargeant sur les caisses de l’Etat, l’abandon du régime forfaitaire, source d’évasion fiscale pour de nombreux corps de métiers, la lutte contre la bureaucratie et la corruption qui freinent l’investissement, le soutien aux startups dynamiques et aux projets innovants, la modernisation de l’administration fiscale, la numérisation et l’encouragement du decashing, l’intégration du marché parallèle dans le circuit officiel, la lutte contre l’évasion fiscale et le renforcement des contrôles des activités économiques.
De ce point de vie, et si toutes ces réformes sont miss en route avec succès, la crise pourrait être une chance pour la Tunisie, en signant la fin d’un modèle de développement archaïque et la mise en place des conditions d’une véritable relance économique.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.
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