Dans le cadre des entretiens de l’IRIS « Comprendre le monde » animée par le géopolitologue français Pascal Boniface, l’historienne et chercheuse franco-tunisienne Sophie Bessis a parlé d’un coup de force plutôt que d’un coup d’Etat de la part du président de la république Kais Saïed. « Un coup de force n’est jamais bon pour la démocratie », a-t-elle indiqué.
Par Fawz Benali
Le fondateur et directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) Pascal Boniface a consacré l’un des derniers épisodes de sa série audiovisuelles « Comprendre le monde » diffusée sur Youtube, à la démocratie tunisienne et en particulier à ce qui se passe en ce moment après l’annonce du chef de l’Etat Kais Saïed, le soir du dimanche 25 juillet 2021, de limoger le premier ministre Hichem Mechichi et de geler les activités du Parlement après une journée de manifestations contre la classe politique tunisienne.
« On s’attendait à ce que quelque chose arrive »
Historienne, écrivaine, journaliste et chercheuse associée à l’IRIS, Sophie Bessis avait été invitée dans un précédent épisode de « Comprendre le monde » pour dresser le bilan des dix dernières années écoulées après le déclenchement de la Révolution du 14 janvier 2011 en Tunisie où l’espoir avait laissé place au désenchantement.
Interrogée par le géopolitologue Pascal Boniface dans un nouvel épisode publié le mardi 27 juillet, sur le devenir de la démocratie en Tunisie après les dernières décisions du chef de l’Etat Kaïs Saïed de démettre le premier ministre Hichem Mechichi de ses fonctions et de geler les activités de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), Sophie Bessis a d’abord estimé que tout le monde s’attendait à ce que quelque chose arrive, étant donné que la situation ne pouvait pas durer éternellement face à un pays qui va très mal aussi bien sur le plan économique, social que sanitaire, sans oublier ce que laisse voir « ce Parlement pathétique et désastreux ».
Sophie Bessis a également expliqué ce qu’elle appelle « un coup de force » de la part du président de la république par les contestations que ce dernier avait exprimées depuis son élection en octobre 2019 quant à la constitution de 2014 qui limitait les prérogatives du chef de l’Etat. « Kais Saïed a donc toujours essayé de récupérer une partie de ce pouvoir ».
« Un coup de force n’est jamais bon pour la démocratie »
Coup d’Etat ou coup de force ? Sophie Bessis a estimé qu’il s’agissait plutôt d’un coup de force de la part du chef de l’Etat. « On peut parler d’une interprétation extrêmement extensible de l’article 80 », dit-elle, tout en soulignant que « la séparation des pouvoir est le socle de la constitution (…) alors que Kais Saïed s’est emparé des trois pouvoirs : le pouvoir exécutif en nommant lui-même le futur premier ministre, le pouvoir législatif en gelant le parlement et le pouvoir judiciaire en s’auto-instituant chef du ministère public ».
La quasi-totalité des tunisiens est « écœurée par l’incompétence et l’arrogance de la classe politique », mais le clivage existe plutôt entre ceux qui applaudissent les décisions du président de la république et ceux qui s’en méfient par crainte d’un retour en arrière en termes de démocratie et de liberté, explique l’historienne franco-tunisienne.
« Un coup de force, quel qu’il soit et quelles que soient les intentions qui sont derrière, n’est jamais bon pour la démocratie », selon Sophie Bessis.
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