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Tunisie : Une feuille de route… pour les partis

Le parti islamiste Ennahdha a lobbyé dur récemment aux États-Unis dans l’espoir de voir l’establishment américain venir à son secours et infléchir en sa faveur le cours des choses en Tunisie, suite à son désaveu massif par le peuple et à l’énorme échec qu’il a essuyé au lendemain des mesures historiques annoncées par le président Kais Saied, le 25 juillet 2021. Le résultat s’étant révélé mitigé, il doit aujourd’hui faire son mea-culpa… Les autres partis, mis en échec eux aussi, doivent faire de même. 

Par Raouf Chatty *

Désormais, le soutien des autorités américaines ne sera plus acquis à Ennahdha. Pragmatiques, ces autorités savent parfaitement qu’elles ne pourront pas soutenir indéfiniment le parti islamiste tunisien contre la volonté du peuple qui, le 25 juillet dernier, l’avait massivement désavoué réclamant haut et fort la dissolution du parlement, le départ du gouvernement, la lutte contre la corruption, et l’instauration d’une société juste et équitable dans le cadre d’un Etat civil fondé sur les droits de l’homme universellement reconnus.

L’establishment américain sait très bien que la gestion des affaires de la Tunisie par ce parti, qui était au centre du pouvoir politique dans le pays durant la décennie post janvier 2011, était catastrophique, qu’il avait dilapidé sa chance et n’avait pas su être à la hauteur des attentes du peuple.

L’approche pragmatique et réaliste de la Maison blanche

Les Américains ont également compris que les campagnes de lobbying que ce parti a menées depuis trois semaines aux États-Unis pour essayer de discréditer le président de la république et présenter ses décisions comme un complot contre la constitution et la démocratie étaient une supercherie, mise à nue par le peuple. Le parti islamiste est également desservi par les positions contradictoires et opportunistes que sa direction a adoptées au sujet des décisions récentes du président de la république…

Pragmatique, le communiqué officiel publié par la Maison blanche le vendredi 13 août à l’issue de l’entretien de la délégation du président Biden avec le président de la république ne contient aucune allusion au «Printemps arabe», inauguré il y a dix ans en Tunisie, et qui était, comme tout le monde sait, en tout cas jusque-là, très cher aux Américains.

La façon dont ce communiqué a été rédigé met en évidence le fait que l’establishment américain fait confiance au président de la république, s’accommode de la nouvelle situation politique créée en Tunisie par les décisions historiques qu’il a annoncées le 25 juillet, tout en continuant de surveiller l’évolution du processus démocratique et l’état des libertés individuelles et publiques dans notre pays.

Le texte analyse la situation d’une façon réaliste et sobre, dans l’attente de voir l’évolution des événements sur la base de la feuille de route qui sera annoncée par le président de la république.

Les islamistes doivent saisir l’occasion pour faire leur autocritique

Inspiré de l’ambiance politique générale générée sur le terrain par le président de la république, adossé à la volonté populaire, le communiqué américain reste pour l’essentiel fidèle à la philosophie politique du gouvernement américain axée essentiellement sur la promotion de la démocratie, de l’Etat de droit, des libertés individuelles et publiques, et de la transparence dans la gestion des affaires publiques.

Il met ainsi l’accent sur l’urgence pour la Tunisie de «retourner à la démocratie parlementaire», «de nommer un Premier ministre pour former un gouvernement capable de répondre aux défis économiques et sanitaires du pays» et «de mettre en place un dialogue inclusif au sujet des réformes institutionnelles et électorales proposées pour répondre aux demandes exprimées massivement par beaucoup de Tunisiens».

Ce communiqué cherche une issue négociée entre toutes les parties de nature à préserver la démocratie et la volonté du peuple. Aussi, le parti islamiste doit-il avoir la délicatesse nécessaire pour en saisir le sens véritable et ne pas abuser des mots, ni tenter de les interpréter abusivement dans le sens de ses désirs, sous peine de continuer d’être dans l’erreur. C’est une nouvelle chance qu’il ne doit pas dilapider…

Maintenant, plus vite le président de la république agira, mieux ce sera. Fort de l’appui des masses populaires, sa position reste dans l’ensemble très confortable. Il doit rester fidèle à ses engagements de respecter la démocratie, l’Etat de droit et les les droits de l’homme, de combattre la corruption et de servir le peuple.

Les États-Unis, comme les autres puissances, savent très bien qu’il s’agit là d’une ligne de conduite du président Saïed et ce dernier l’a récemment prouvé dans ses relations avec le parti islamiste qui s’était plaint à tort de le voir agir en tyran. Le mot est pour le moins exagéré !

Saied restera fidèle aux réclamations du peuple

Dans sa feuille de route, le président doit rester fidèle aux thèses qu’il a développées devant les Tunisiens et lors de l’audience accordée à la délégation américaine. Il doit rester fidèle en premier  lieu aux réclamations exprimées par le peuple. Personne au monde ne pourra lui reprocher son  attachement à la volonté des masses populaires. Celles-ci sont contre le retour à la situation qui avait prévalu avant le 25 juillet. Elles réclament l’adoption d’une nouvelle constitution, la modification du système politique et du code électoral, l’organisation d’élections anticipées, l’engagement au plus vite de réformes structurelles pour venir à bout des crises endémiques dont souffre le pays… N’est-ce pas là le contenu de sa feuille de route attendue ?

Toute la classe politique doit avoir la lucidité de comprendre que le peuple n’acceptera jamais que son soulèvement du 25 juillet lui soit usurpé.

Le parti islamiste doit être le premier à comprendre cette nouvelle situation, et consentir de son plein gré à reconnaître toutes ses fautes et accepter de bonne foi les propositions du président de la république, car elles s’inscrivent dans le droit fil des attentes de larges franges du peuple… Lui et les autres partis, qui ont été au centre du pouvoir politique durant la décennie écoulée, ne doivent pas faire de l’obstruction. Ils doivent plutôt accepter de faire leur mea-culpa et de se prêter à toutes les conséquences générées par leur gestion chaotique des affaires publiques durant les dix dernières années. 

Toute la classe politique doit avoir la lucidité d’assumer ses responsabilités et de reconnaître une fois pour toutes que le pays a commencé de vivre depuis le soulèvement du 25 juillet une nouvelle ère qui nécessite la mise en place de réformes institutionnelles, politiques, économiques, sociales et sanitaires dans le cadre de la «troisième république» rompant définitivement avec les turpitudes et les déviations de la décennie précédente et susceptibles de remettre le pays sur les rails après une décennie d’instabilité et de déboires sans précédent… Le pays comme le peuple sont impatients de les voir agir et plutôt ils le font mieux ce sera…

* Ancien ambassadeur.

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