Après la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, la Tunisie ne peut rester les bras croisés et doit œuvrer en vue d’établir un code de conduite international auquel adhèreraient les pays de la région. Des mesures de désescalade et de rétablissement de la confiance doivent aussi être mises en œuvre, sinon la région entière risque de sombrer dans l’instabilité et la violence avec l’intervention des forces étrangères qui ne feraient qu’enflammer les passions et multiplier les dégâts.
Par Elyes Kasri *
La décision algérienne de rompre les relations diplomatiques avec le Maroc peut sembler brutale mais fait suite à ce qui a tout l’air pour de nombreux observateurs d’une dérive déstabilisatrice du Maroc dans notre région.
Pour ce qui est de la Tunisie, loin sont les temps ou feu Hassan II envoyait des avions militaires C130 pour faciliter le transport de nos troupes pour contrer les mercenaires envoyés par Kaddafi à Gafsa.
Les actions insidieuses du Maroc contre ses voisins
Depuis l’avènement de Mohammed VI et surtout depuis 2011, le Maroc semble s’être illustré par des actions insidieuses contre notre pays en profitant de l’instabilité sociale post-révolution pour mener des campagnes sournoises de démarchage des investisseurs étrangers actuels et potentiels en Tunisie. Cet empressement aurait même touché des investisseurs tunisiens dont certains semblent avoir répondu au chant des sirènes marocaines.
De nombreuses voix ont également suspecté une main secrète marocaine dans certains événements de déstabilisation de l’industrie phosphatière tunisienne qui auraient contribué, avec la complicité il faut le reconnaître de nombreux partis et responsables syndicaux tunisiens, à mettre à genoux le Groupe chimique tunisien (GCT), un géant mondial des engrais phosphatés et un grand concurrent du Maroc.
Les récentes révélations sur l’usage illicite par le Maroc du logiciel israélien d’écoûtes téléphoniques Pegasus intensifient les suspicions d’un rôle déstabilisateur du Maroc dans notre région et ailleurs en Europe.
Le dernier épisode de la normalisation avec Israël et du rôle marocain dans l’octroi à l’Etat hébreu du statut d’observateur au sein de l’Union Africaine ainsi que la série suspecte d’incendies criminels en Algérie ont fini par convaincre nos frères algériens qu’il fallait réagir plus énergiquement aux menées subversives marocaines, l’ultime action pacifique étant la rupture des relations diplomatiques.
Le Maroc peut bien abriter le siège du l’Union du Maghreb arabe (UMA, dont le secrétaire général est l’ancien ministre tunisien des Affaires étrangères Taieb Baccouche, Ndlr) mais un nombre croissant d’analystes doutent de plus en plus de l’attachement des autorités marocaines à l’UMA et même à la stabilité des pays du Maghreb.
Pour un sursaut de correction de la trajectoire
Il ne reste qu’à espérer un sursaut et une correction de trajectoire chez nos frères marocains car le coût du non-Maghreb finira par se faire ressentir également dans ce pays qui, en dépit de ses anciennes velléités atlantistes, pro-européennes et golfiques et actuellement pro-israéliennes, ne pourra pas échapper aux contraintes et réalités de l’histoire et de la géographie.
Face a une telle dégradation de la situation dans notre sous-région, déjà compliquée par la guerre civile libyenne, la Tunisie ne saurait rester impassible et invoquer une quelconque neutralité car toute menace à la stabilité et la sécurité de notre voisinage et surtout de l’Algérie touche les intérêts supérieurs de la Tunisie.
Le temps est venu de faire prendre conscience aux apprentis sorciers de la gravité de leur actions et de la nécessité d’un retour rapide à une politique qui tienne plus compte de la communaté de destin des peuples maghrébins frères.
Il urge d’oeuvrer à l’adhésion des pays de la région à un code de conduite international et des mesures de désescalade et de rétablissement de la confiance sinon la région entière risque de sombrer dans l’instabilité et la violence avec l’intervention des forces étrangères qui ne feraient qu’enflammer les passions et multiplier les dégâts.
* Ancien diplomate.
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