Accueil » Que nous veulent les Américains ?

Que nous veulent les Américains ?

Délégation parlementaire américaine reçue, samedi dernier, par le président Kais Saied.

Commençons d’abord par remercier les Américains pour leurs visites répétées et pour l’intérêt qu’ils portent à notre pays. Mais disons leur tout de suite, en toute amitié, que cet intérêt soutenu commence à nous embarrasser un peu. Et il y a de quoi…

Par Amor Cherni *

D’abord parce que nous ne leur avons rien demandé, sachant les innombrables problèmes qui les préoccupent dans le monde, et que nous ne voudrions, à aucun prix, les accabler encore par les nôtres. Ensuite parce que nous sommes «assez grands», et nous le sommes devenus depuis notre première révolution, «pour résoudre nos problèmes tout seuls», sans l’aide de quiconque. Enfin, parce que l’Histoire nous a appris que chaque fois qu’un pays s’est immiscé dans les affaires des autres, les choses ont tourné aux préjudices de deux.

Ces profondes blessures historiques

«La vieille Europe» l’a appris à ses dépends, depuis la traite négrière, à la honteuse «tragédie coloniale», aux tentatives répétées de maintenir son hégémonies sur les anciennes colonies qui, après avoir arraché leur indépendance politique, en Asie, en Afrique et ailleurs, lui échappent de plus en plus, pour recouvrer leur indépendance économique et entretenir des relations de plus en plus étroites avec des puissances dites «émergentes».

On ne peut que regretter les milliers de martyrs et de victimes, mais aussi les dégâts matériels et moraux, qui ont été causés dans des conflits qu’on ne peut voir aujourd’hui que comme des conflits injustes et absurdes. On ne peut aussi que regretter que ces sommes colossales d’argent qui ont été consenties dans les guerres et les conquêtes ne fussent dépensées plutôt dans le développement économique et la promotion culturelle des pays agressés, comme du reste des pays agresseurs! Le seul résultat qui en a été récolté, de nos jours, est une profonde blessure historique entre les héritiers des uns et des autres, blessure qui ne semble pas évoluer, selon toute apparence, vers une rapide cicatrisation.

Le «Nouveau monde», dont l’histoire est assez récente, a déjà à son actif, sinon à son passif, une charge historique très lourde, dont la dernière tragédie, l’Afghanistan, est en train de se dérouler, ces jours-ci, sous nos yeux. Il devrait tirer la leçon des expériences de ses prédécesseurs, sinon de ses propres aventures qui ont toujours tourné à l’échec et dont la dramatique liste est très longue. Combien de pays n’a-t-il pas dévastés? Combien de peuples n’a-t-il pas déchirés? Combien d’âmes n’a-t-il pas envoyées au trépas? Combien de blessés, d’amputés, d’impotents, n’a-t-il pas laissés derrière ses bombardements? Combien de sang et de larmes de femmes et d’enfants n’a-t-il pas fait couler? Tout cela sur des décisions cavalières de responsables parfois irresponsables et fantasques, et au mépris du droit international. Tout cela apparaît déjà, sans attendre le jugement des siècles, comme un comportement injuste et absurde.

Que chacun reste chez lui et «cultive son jardin»

Voilà pourquoi nous avons raison de nous sentir un peu embarrassés par le cher intérêt que nous porte le «Nouveau monde». Nous avons assez d’intelligence et de mémoire pour nous rappeler ce que ce cher intérêt a coûté à des peuples parmi nos frères amis; et nous savons qu’il leur a coûté très cher !

Nous n’avons donc pas envie de transformer nos relations avec les Américains, de relations de sympathie, pour le moins, en relations d’antipathie, pour ne pas dire plus. Nous sommes un petit pays qui ne cherche à composer qu’avec des pays de sa taille. Nous sommes un pays neutre qui ne voudrait avoir de démêlés qu’avec des pays ayant la même doctrine politique que lui. La Suisse aurait pu nous intéresser, mais elle est trop développée pour nous! Nous sommes donc obligés de nous rabattre sur nos voisins africains, qui commencent, depuis quelques années, à nous fournir en main d’œuvre efficace et dévouée, et de compter, en cas d’urgence, sur l’Algérie sœur, en espérant de meilleurs jours à la Libye!

Au reste nous aimons tous les pays du monde, sauf ceux qui reposent sur des injustices historiques. Nous voudrions vivre en paix avec nos voisins, à condition que chacun reste chez lui et «cultive son jardin».

* Philosophe.

Articles du même auteur dans Kapitalis :

La deuxième révolution en Tunisie

L’attaque kamikaze de Tunis et l’essoufflement du terrorisme en Tunisie

Caïd Essebsi et l’égalité successorale : La montagne accouche d’une souris

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!