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La deuxième révolution en Tunisie

Les mesures constitutionnelles exceptionnelles prises par le président Kaïs Saïed le 25 juillet 2021 annoncent ce qu’on peut appeler une Deuxième Révolution, qui met fin pacifiquement au despotisme religieux au pouvoir depuis une décennie en Tunisie, et grâce à la réactivité du peuple tunisien qui sait se lever au moment opportun.

Par Pr Amor Cherni *

Saluons-là tout de même, malgré le retard qu’elle a accusé ! On l’attendait depuis que la première a été confisquée au peuple tunisien qui n’a pas eu le loisir de la fêter, pis même qui l’a détestée et insultée. Il en est même venu à regretter le despotisme politique qu’elle avait abattu. Mais ceux qui y croyaient, l’attendaient jour et nuit et, à chaque soulèvement, ils se sont écrié : «Ça y est ! Elle arrive…»

En effet, cette grande Dame, qui vient de faire son entrée dans notre pays et dans notre histoire, que nous allons nous habituer à appeler la Deuxième Révolution, a quelque peu tardé au point où certains en ont désespéré. On croyait que le délabrement avancé de notre pays, de notre économie, de notre société et de nos institutions, allait continuer à l’indéfini, ou jusqu’au jour où… nous irons nous réfugier qui dans l’Algérie sœur, qui en France, «l’amie de toujours» !

Une situation instable qui mène de révolution en révolution

À coup sûr, les obstacles qui se dressaient à l’horizon semblaient énormes et infranchissables. Le despotisme religieux, nous en a fait voir de toutes les couleurs : corruption, terrorisme, chaos économique, cherté inédite de la vie, famine, insécurité, ruine de nos établissements d’enseignement et de santé, etc. Le despotisme religieux semblait relever de la fatalité et de la condamnation de nos marabouts pour avoir osé nous révolter contre la «Sainte famille» !

Mais, enfin, elle est là, parmi nous, et nous ne la lâcherons plus jusqu’à… la prochaine qui aura à abattre le despotisme économique ! À ceux qui m’en avaient posé la question, c’est cela qu’on appelle un processus révolutionnaire : une société travaillée par les contradictions (le pire et le meilleur !), une situation instable et qui mène de révolution en révolution, avec, de temps en temps, de bonnes initiatives populaires qui marquent le progrès de la conscience (ex. : les volontaires qui gèrent le flux dans les centres de vaccination).

Assurément, le peuple tunisien a fait un grand pas dans la civilité, la discipline et la solidarité. Ce sont là des acquis historiques de la première révolution. Mais le chaos continuait de venir d’«en-haut». C’est précisément cet «en-haut» qui est maintenant en chantier; espérons que tout y ira pour le mieux.

Le despotisme religieux est «un tigre en papier»

Pour l’heure, félicitons-nous d’avoir fait une deuxième révolution sans morts ni blessés, ni même dégâts matériels. C’est un «miracle» que d’avoir abattu le despotisme religieux qui nous semblait inamovible et sempiternel, un vrai tigre; mais qui s’est révélé être «un tigre en papier» ! Les Tunisiens respirent aujourd’hui à pleins poumons et semblent être rassurés sur le présent et l’avenir. Bien entendu, nous aurons, de temps en temps, quelques soubresauts, mais c’est de bonne guerre !

Dépêchons-nous donc de tirer les conclusions de ce qui vient de se passer.

1/ la structure de nos révolutions semble se préciser: elle est binaire. Les forces productives n’étant pas encore assez fortes pour conduire le processus jusqu’au bout, elles se bornent à prendre l’initiative révolutionnaire et comptent sur une action complémentaire des instances de l’Etat. Elles exercent une pression sur la machine qui craque de l’intérieur et produit l’élément déterminant: l’armée pour la première, la présidence de la république pour la deuxième;

2/ le formalisme juridique, qui a tué la première révolution, est resté stupéfait en face de la deuxième. Ces tenants ont essayé de piailler, mais personne ne les a entendus. Avec le despotisme religieux, ils ont été balayés, pour notre bonheur, de la scène. L’Histoire a dit au Droit : «Retire-toi cette fois, tu as fait assez de dégâts comme cela!»;

3/ le peuple, tunisien qu’on accuse de toutes les tares : apathie, défaitisme, ignorance, etc., sait se lever au moment opportun. Saluons son génie et soyons-en fiers !

* Philosophe.

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