Accueil » La mésaventure de Nouha Belaid ou le malheur d’être femme… en Tunisie

La mésaventure de Nouha Belaid ou le malheur d’être femme… en Tunisie

Ce qui est arrivé hier, vendredi 17 septembre 2021, à l’universitaire Nouha Belaid avec la police de l’aéroport de Tunis-Carthage est révoltant à plus d’un titre et prouve s’il en est encore besoin que la «flicaille nationale» refuse d’évoluer dans une Tunisie où le sous-développement est en train d’avancer à la vitesse V.

Par Imed Bahri

L’universitaire raconte sa mésaventure avec un étonnement réel, car la scène qu’elle vécut est presque irréelle, en tout cas incroyable et difficile à accepter en 2021 dans un pays qui se targue d’être démocratique et où la femme est, dit-on, émancipée et presque l’égale de l’homme.

Nouha Belaid est une jeune universitaire. On comprend de son récit qu’elle est célibataire (le crime parfait pour une femme!), car le policier des frontières a exigé d’elle une autorisation de voyage signée par son paternel. Elle a moins de 35 ans, lui a-t-il expliqué, et elle doit présenter une autorisation de voyage signée par son père, n’étant ni majeure ni responsable à ses yeux, pour qu’il la laisse quitter le territoire national. Des fois où elle déshonorerait la nation !

En Tunisie comme en Afghanistan

La jeune universitaire, qui n’en croyait pas ses oreilles, a eu beau expliquer au policier qu’on ne lui avait jamais demandé un tel document lors de ses précédents voyages, que tous ses papiers sont en règle et qu’elle va prendre part à une rencontre internationale au Caire, en Égypte, où elle va représenter la Tunisie à l’invitation de l’Allemagne. Rien n’y fit. Le mâle de service s’est même permis de lui parler avec une rare arrogance: «Aqef westoui rouheh» (Levez-vous et restez debout!), lui lança-t-il lorsque, de guerre lasse, elle crut pouvoir s’asseoir.

Que penser de cette séquence, qui est arrivée en Tunisie et non pas en Iran ni en Afghanistan, sinon qu’elle traduit l’état de délabrement moral et institutionnel où la Tunisie est arrivée au terme de dix ans de pouvoir du parti islamiste Ennahdha et de ses alliés, comparses et vassaux dits «libéraux et progressistes»?

Ne souriez pas, plutôt pleurez ce peuple martyr qui n’a pas fini de boire le verre de la déchéance jusqu’à la lie !

Il fut un temps où Ben Ali ordonnait aux flics de respecter les femmes et de ne pas les importuner par des contrôles superflus dans la rue. Va-t-on regretter le temps de la dictature ? Tout semble y concourir, tant les choses sont en train d’aller à l’envers.

Cette jeunesse brillante que l’on désespère

Nouha Belaid, titulaire d’un doctorat en médias et communication, et d’un short MBA en diplomatie économique et lobbying, est experte en médias et communication, gouvernance locale et leadership. Elle est membre du conseil d’administration du Réseau arabe des journalistes de données. Sélectionnée en 2018 par la Fédération Suisse et l’Université de Lugano parmi les 150 «Change Young Makers» dans le monde, et en 2017 par l’Unesco et l’Union européenne (UE) parmi les 100 meilleurs jeunes experts en Tunisie.

Enseignante universitaire depuis 2013, Dr Belaid a animé de nombreux ateliers en tant que consultante ou formatrice auprès des organismes internationaux (Pnud, Arab Brodcasting States Academy, Friedrich Naumann Foundation, Internews, DRI…) dans plusieurs pays (Tunisie, Egypte, Mauritanie, Soudan, Maroc, Algérie, Jordanie, Liban…).

Bref, c’est cette jeunesse ambitieuse, brillante et dynamique que l’on brime, que l’on désespère et que l’on pousse à l’exil par des lois vexatoires d’un autre temps et des traitements humiliants.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!