Les Tunisiens aspirent à mettre en place une véritable démocratie, laquelle devrait être basée sur une économie exempte de toute forme de clientélisme, de favoritisme et de corruption. Aussi, plus le climat d’investissement s’assainit et gagne en transparence, plus la confiance se renforce et la rentabilité générale de l’économie s’améliore.
Par Amine Ben Gamra *
Alors que l’économie stagne suite aux effets dommageables de la pandémie de la Covid-19, la corruption continue de se propager comme un cancer dans le corps de l’économie tunisienne. La fraude ne concerne plus seulement quelques grandes entreprises mais, fait nouveau, se propage parmi les PME, qui constituent plus de 90% du tissu productif national. Pis encore, aucune entreprise, publique ou privé, n’est à l’abri de cette menace aux visages multiples et aux conséquences lourdes.
Les entreprises aux prises avec un système fâché avec la loi
La fraude constitue donc désormais un risque majeur fragilisant les entreprises qui y sont souvent acculées par un système fâché avec la loi. Et pour cause : les barons de la contrebande, du marché parallèle, de la corruption financière et de l’évasion fiscale veillent au grain, à toutes les échelles et dans toutes les institutions, pour que la Tunisie ne gagne pas la guerre annoncée contre ces fléaux qui continuent de se développer dans notre pays où ils représentent, selon certaines estimations, plus de 50% du PIB.
Un chef d’entreprise se plaignait récemment du fait qu’il est contraint de disposer d’une caisse noire pour pouvoir arroser des responsables publics à tous les étages, condition sine qua non pour la bonne marche de ses affaires, qui risquent, autrement, d’être contrariées voire entièrement bloquées. «Où puiser les fonds de cette caisse noire et dans quelle comptabilité les inscrire?», se demande-t-il, sachant que l’argent ainsi dépensé, à fonds perdus, est censé n’avoir jamais existé nulle part!
Pour lutter contre la corruption, il faut savoir que les fraudes interviennent souvent lorsque les dispositifs de contrôle ont été mal conçus ou sont mal mis en œuvre et que la gouvernance se révèle déficiente, affaiblissant ainsi les processus de l’organisation. Afin de limiter les risques de fraude à laquelle elles sont parfois acculées pour survivre dans un environnement corrompu, les sociétés devraient mettre en œuvre à leur niveau de solides procédures de contrôle interne qui fonctionneraient comme des garde-fous.
La menace de fraude est d’ailleurs l’un des défis les plus courants auxquels les sociétés doivent faire face en matière de gouvernance, et ce quel que soient leur taille, leur secteur d’activité ou leur emplacement géographique. Pour lutter contre cette menace, il est fondamental de mettre en place des dispositifs de contrôle interne adéquats contenant un plan de gestion adaptée aux cas identifiés. À cet égard, il est essentiel d’adopter une approche d’assurance combinée pour comprendre les manquements dans la chaîne de contrôle qui facilitent les cas de fraude.
Établir une cartographie des vulnérabilités et des solutions à leur apporter
Il vaut mieux être actif pour se protéger de ce risque et éviter d’y être confronté en procédant périodiquement à son évaluation et à l’identification des vulnérabilités ainsi découvertes pour y trouver des réponses adéquates. L’entreprise peut ainsi établir une cartographie des vulnérabilités présentées par ses procédures internes et ses relations avec l’environnement des affaires, y compris, bien sûr, l’administration publique, qui est, elle-même, traversée par les abus de toutes sortes. L’évaluation périodique doit porter sur les risques existants, l’efficacité ou non des contrôles en vigueur et le renforcement des dispositifs de vigilance.
À cet égard, il est préférable de faire appel à des spécialistes expérimentés pour mener des investigations à même d’identifier les situations où le risque de fraude est présent et de fournir des réponses appropriées en auditant les dispositifs de contrôle interne, en y limitant les possibilités d’abus et en proposant les moyens dont le management pourrait (ou devrait) gérer les risques ainsi identifiés.
Le peuple tunisien aspire à mettre en place une véritable démocratie, laquelle devrait être basée sur une économie exempte de toute forme de clientélisme, de favoritisme et de corruption. Il aspire surtout à une bonne gouvernance et à une bonne gestion des fonds publics. Aussi, plus le climat d’investissement s’assainit et gagne en transparence, plus la confiance se renforce et la rentabilité économique s’améliore.
* Expert Comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.
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