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Jeune Afrique et Israël : La chute d’un tabou de 65 ans

La ligne éditoriale du magazine Jeune Afrique est-elle en train de changer depuis le décès, le 3 mai 2021, de Béchir Ben Yahmed, son fondateur et principal dirigeant pendant plus de soixante ans ? On pourrait être tenté de le penser après la publication, dans le dernier numéro du magazine hebdomadaire parisien (N° 3108 – janvier 2022), d’un dossier spécial intitulé « Israël – Afrique : session de rattrapage » avec de la publicité israélienne… C’est en tout cas un tabou, vieux de 65 ans, qui vient de tomber…

Par Imed Bahri

Comme il n’y a eu aucun mot officiel de la part de la direction actuelle pour justifier ou du moins expliquer ce radical changement de cap qui, dans la vie d’un journal, a une très forte signification et pourrait même avoir d’importantes répercussions sur ses relations futures avec son lectorat, on peut lire dans cette omission une certaine gêne vis-à-vis non seulement de ce lectorat, mais aussi de l’histoire du magazine, de son image et de ses engagements tels que définis et défendus par son fondateur, feu BBY, qui, de son vivant, n’a jamais voulu de dossier avec publicité venant de deux pays : l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid et Israël au temps des colonies palestiniennes. Et on ne sait pas ce qu’il aurait pu penser, là-haut, d’un tel changement de cap initié par ses successeurs.

Les temps changent

Bien entendu, les temps changent… Et les lecteurs ont constaté que le dossier défend bec et ongle la «nouvelle coopération» entre Israël et l’Afrique, alors que, rappelons-le, le prochain sommet de l’Union africaine (UA) va remettre sur le tapis – et cette fois avec vote – l’admission d’Israël comme Etat observateur au sein de l’organisation panafricaine.

«Cette tentative est la 3e, après 2013, 2016 et 2021. Mais cette fois, la stratégie va changer : la décision sera soumise à un vote à la majorité, où Israël dispose de 46 voix sur 55. Ce vote permettra de passer outre l’opposition farouche de 9 pays, dont l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Afrique du Sud. Le Maroc qui soutient cette méthode – qui avait servi à l’admission de la RASD en 1982 – va batailler pour», fait remarquer à ce propos un fin observateur des affaires africaines. En rappelant que «pour JA comme pour le Maroc, l’UA compte 54 pays membres, et non 55 (avec la RASD).»

La nouvelle équipe de JA prend donc acte des changements géopolitiques survenus dans le monde et des évolutions en cours dans le continent africain, non seulement pour accompagner ces évolutions ou les expliquer, mais pour les anticiper et même les préparer et les accélérer, y compris son ouverture progressive sur les nouvelles puissances médianes ou régionales comme Israël, la Turquie ou la Chine. Dans ce dossier, l’Afrique est même qualifiée de «nouvelle terre promise» pour les Israéliens…

Les lecteurs avaient droit à une explication

Le fait que plusieurs pays arabes, notamment dans le Golfe, ont récemment noué des relations diplomatiques, sécuritaires et économiques avec Israël semble aussi avoir pesé dans le changement de cap éditorial de JA.

Le fait surtout que le Maroc ait renoué ses relations avec Israël a sans doute également joué dans la décision de JA, qui entretient des relations historiques avec ce pays, lesquelles ont évolué très positivement avec l’avènement du roi Mohammed VI, évolution concrétisée par la reconnaissance désormais officielle par JA de l’appartenance du Sahara au Royaume chérifien.

Cela se comprend, certes. Mais une explication en direction du lectorat du magazine n’aurait pas été superflue, comme l’aurait peut-être dit BBY.

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