Le rapport intéressé et opportuniste de Kaïs Saïed à l’Histoire indigne l’auteur. Le président de la république oublie sciemment le 18 janvier (1952), fête de la révolution contre la colonisation française. Il a même oublié, l’année dernière, de célébrer le 20 mars (1956), fête de l’indépendance de la Tunisie, mais il s’est souvenu, cette année, du 26 janvier (1978), date des émeutes ouvrières réprimées par le régime de Bourguiba. Il en a parlé dans l’appel téléphonique, hier, mercredi 26 janvier 2022, avec Noureddine Taboubi, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Parce que cela lui permet de se rapprocher de la centrale syndicale, de prévenir ses «nuisances» et de la soustraire à l’influence de l’opposition, du moins l’espère-t-il naïvement. Pour lui, l’Histoire est un bazar, il prend ce qui l’arrange et le sert, et jette le reste.
Par Chedly Mamoghli *
M. Saïed sait se souvenir du 26 janvier 1978, date du fameux «Jeudi noir» qui a vu tomber des dizaines de Tunisiens sous les balles des forces de l’ordre, mais sait oublier le 18 janvier 1952. C’est la troisième année qu’il l’oublie. C’est HONTEUX.
Le 18 janvier 1952, il y a eu aussi une grève générale. Des Tunisiens se sont révoltés contre la répression du résident général français Jean de Hauteclocque. Il y a eu des martyrs qui sont tombés sans parler des leaders nationalistes déportés et du Néo-Destour interdit.
Une mémoire présidentielle très sélective
M. Saïed a une mémoire sélective, très sélective. Il convoque l’Histoire quand elle peut servir sa popularité et servir ses schémas politiques sinon il la jette à la poubelle. Le 18 janvier 1952 ne peut rien lui apporter, d’autant que cette date rappelle les combats et les sacrifices des Destouriens, qu’il considère aujourd’hui comme ses ennemis, alors il l’oublie. Le 26 janvier 1978 peut le servir pour draguer les responsables de l’UGTT et les attirer vers lui alors il s’en rappelle, cette année, et l’instrumentalise. Les années précédentes, il n’avait pas besoin de l’UGTT alors il ne s’était pas souvenu du 26 janvier 1978.
Pour M. Saïed, l’Histoire est un bazar, il y prend ce qui le sert et jette le reste. Quel rapport intéressé et opportuniste à l’Histoire!
Les patriotes, qu’ils soient destouriens, d’ascendance destourienne ou pas n’oublient pas, eux, et n’oublieront jamais, le 18 janvier 1952, la révolution des patriotes.
Nouira restera dans l’Histoire, pas vous !
Quant au passage du communiqué présidentiel où Saïed évoque Hédi Nouira, le président se garde de nommer l’ancien Premier ministre, comme si c’était un quidam ou un illustre inconnu.
Hédi Nouira reste le meilleur Premier ministre de l’Histoire contemporaine de la Tunisie. M. Saïed a échoué jusque-là à trouver et à nommer un chef de gouvernement de la trempe de M. Nouira. Également et surtout, Hédi Nouira a réussi à redresser la Tunisie après la débâcle de la politique des coopératives, vous non M. Saïed, après la débâcle islamiste. À son époque, la Tunisie a connu la prospérité. À la vôtre, nous sommes au bord de l’effondrement. Vous laissez le pays sombrer et vous regardez ailleurs. Rien n’est fait pour sauver la Tunisie puis le redresser.
Chaque jour, vous êtes encore plus décevant. Les islamistes ont détruit le pays, vous êtes en train de l’achever.
Continuez à écouter les laudateurs adeptes du «Ya Kaïs sir sir wahna wrak bel bendir» qui vous soutiennent aveuglement, et dans 50 ou 100 ans, les Tunisiens continueront de se souvenir de Bourguiba (avec ses qualités et défauts et avec ses réalisations et ses ratages) et de Nouira mais pas de vous.
Fuite dans le passé pour oublier les difficultés du présent
Par ailleurs, et sur un autre plan, comme si les six mois d’inertie après l’annonce des mesures exceptionnelles, le 25 juillet 2021, qu’il a fait perdre à la Tunisie et qui viennent de s’écouler, ne suffisaient pas, M. Saïed continue de fuir la réalité en n’accordant aucune importance à la cherté de la vie, aux pénuries, à la situation économique catastrophique et aux déficits colossaux des entreprises publiques. Il préfère s’enfermer dans le passé, qui plus est, réécrit selon ses humeurs et ses intérêts. Le présent pénible et l’avenir incertain de la Tunisie peuvent attendre… et au diable l’anxiété des Tunisiens quant à leur avenir proche et à celle des partenaires étatiques et institutionnels de notre pays qui le pressent à agir pour éviter le pire!
* Juriste.
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