Alors que le monde se mobilise pour faire face aux famines annoncées dans les pays les plus démunis, et notamment en Afrique, en raison de la forte perturbation des circuits mondiaux d’approvisionnement en céréales, la Tunisie, à l’instar de son président de la république, Kaïs Saïed, ne semble pas s’alarmer outre mesure des grosses difficultés qui l’attendent pour garantir la sécurité alimentaire de sa population.
Par Imed Bahri
«La guerre en Ukraine pourrait déclencher un ouragan de famine». C’est le cri d’alarme lancé, lundi 14 mars 2022, par Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, alertant contre un effondrement du système alimentaire mondial à la suite de la guerre russe en Ukraine, dont l’Afrique serait la première victime, car elle importe au moins le tiers de son blé d’Ukraine ou de Russie.
Le monde se mobilise contre les pénuries annoncées
La directrice du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgevia, renchérit avec une formule choc : «La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique», d’autant que le cours actuel du blé, environ 400 euros la tonne, devient hors de prix pour les pays les plus économiquement faibles, dont la Tunisie, qui a du mal à trouver les financements nécessaires à son budget d’Etat pour 2022.
Le magnat russe des engrais Andreï Melnitchenko est tout catégorique : «La guerre doit être stoppée ou il y aura une crise alimentaire mondiale […]. Au niveau actuel du cours des engrais, les paysans ne peuvent plus semer.»
Dans les grandes capitales occidentales, notamment Washington, Paris, Berlin et Londres, commence même à prévoir des aides destinées aux pays africains, asiatiques et latino-américains qui seront touchés par la famine, laquelle n’est plus une simple hypothèse, eu égard l’évolution de la situation en Ukraine et des cours sur le marché mondial des céréales, de l’énergie et du transport
La Tunisie tire des plans sur la comète
Il n’y a donc qu’en Tunisie, pays qui endure depuis plusieurs semaines des pénuries de semoule, de blé ou de farine, où les autorités donnent l’impression de ne pas s’inquiéter outre mesure de cette perspective, alors que notre pays importe la moitié de ses besoins en blé, que l’Ukraine est son principal fournisseur, et que la situation de ses finances publiques est jugée catastrophique par tous les experts.
Pire encore, notre cher président, Kaïs Saïed, qui accapare tous les pouvoirs, exécutif, législatif et, depuis peu, judiciaire, continue de regarder ailleurs, de faire comme si… et de botter en touche. Occupé à faire la guerre à ceux qui, selon ses termes, «affament le peuple», par allusion aux gros poissons de la spéculation et de la contrebande. Mélangeant torchons et serviettes et contribuant ainsi à perturber davantage les circuits de distribution, le chef de l’Etat ne pipe mot des menaces de pénurie de blé qui pointent à l’horizon et des mesures que l’Etat doit mettre en œuvre pour y faire face pour éviter que cela n’affecte les catégories sociales les plus défavorisées.
La présidente du gouvernement Najla Bouden ne semble pas, elle non plus, s’inquiéter de ces menaces réelles qui interviennent dans un contexte national pour le moins difficile ni mobiliser les membres de son gouvernement en vue de parer au plus urgent, d’élaborer et de mettre en œuvre des plans spécifiques pour garantir la sécurité alimentaire de 12 millions de Tunisiens, dont beaucoup, à l’instar de leur président, semblent résumer le problème à une lutte – certes nécessaires mais insuffisante – contre quelques dizaines de spéculateurs.
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