En face de l’expérience d’un pays plus «développé», la France, on doit reconnaître que les Tunisiens se sont mobilisés davantage pour leur consultation citoyenne, presque deux fois plus que les Français, pour exprimer leur point de vue sur l’avenir de leur société.
Par Samir Gharbi
Les Tunisiens, comme d’autres peuples, sont enclin à dénigrer tout ce qui vient de l’Etat… selon un adage bien connu: «khalef too’raf» (il faut contester pour se faire connaître)…
Je ne voudrais pas me prononcer sur le pourquoi, le comment et la portée de cette consultation dite citoyenne. Mais en faisant la comparaison avec une consultation similaire lancée en France en 2019, j’ai pu tirer quelques observations utiles.
D’abord sur le timing :
En France, le président de la république, Emmanuel Macron, a décidé de lancer une consultation populaire pour tâter le pouls de l’opinion et sortir de la crise provoquée par les contestations sociales et politiques (notamment le mouvement des Gilets jaunes).
Emmanuel Macron a annoncé son initiative le 18 décembre 2018 et fixé la durée de la consultation du 15 janvier au 15 mars 2019, soit deux mois.
Les Français étaient invités à donner leurs avis sur quatre thèmes qui couvrent des «grands enjeux de la nation» : 1.- la fiscalité et les dépenses publiques; 2.l’organisation des services publics; 3.- la transition écologique; 4.- la démocratie et la citoyenneté.
En Tunisie, le président de la république Kaïs Saïed annonce le 13 décembre 2021 son idée d’organiser une consultation populaire pour sortir le pays de la crise sociale, économique et politique… Il fixe la durée de la consultation: du 15 janvier au 20 mars 2022. Soit deux mois et cinq jours…
Remarquez : le timing de 2019 en France est, coïncidence, le même que le timing de 2022 en Tunisie.
Mais les thèmes proposés aux Tunisiens sont beaucoup plus larges que ceux proposés aux Français : 1.- les affaires politiques (y compris la nature du régime de gouvernance); 2.- l’éducation et la culture: 3.- la qualité de la vie; 4.- l’économie ; 5.- les affaires sociales ; 6.- le développement durable.
Ensuite, les statistiques de la consultation :
Les autorités tunisiennes ont annoncé avoir reçu 534 915 réponses. La France en avait déclaré 1 932 884. En faisant l’hypothèse simple, sans jugement sur le fond, que les «contributions» se valent, le nombre total mérite d’être rapporté à la masse potentielle des contributeurs dans l’un et l’autre pays.
En Tunisie, le nombre représente 4,5% de la taille de la population du pays. En France, le taux est de 3%;
En rapport avec la masse des inscrits sur les listes électorales : en Tunisie, la proportion est de 7,6%; en France, elle est de 4%.
En rapport avec le nombre des citoyens en âge de voter (inscrits et non inscrits) : en Tunisie, le taux est de 6%, en France, il est seulement de 3,8%.
Ces comparaisons démontrent que l’on ne peut pas – légitimement, sincèrement du moins – qualifier la consultation tunisienne d’échec ou de «flop»…
En face de l’expérience d’un pays plus «développé», on doit reconnaître que les Tunisiens se sont mobilisés davantage, presque deux fois plus que les Français, pour exprimer leur point de vue sur l’avenir de leur société.
Savez-vous que les sondages d’opinion, que les médias commentent quotidiennement et abusivement, en long et en large, se basent sur des échantillons de quelques centaines de personnes. Et que ces mêmes médias omettent souvent de préciser la taille et les modalités du sondage (choix des panels, forme des questions, modalités du questionnement…).
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