Tunisie : le bout du tunnel n’est peut-être pas loin

En cette période d’incertitude, en Tunisie et dans le monde, il faudrait entamer, aussitôt les législatives du 17 décembre passées, une concertation nationale pour créer un bloc autour du projet sorti des urnes, stabiliser le modèle défendu par le mouvement du 25 juillet et éviter les blocages parlementaires et les mascarades d’Ennahdha qui n’ont que trop duré.

Par Kais Krissane *

En cette deuxième moitié de l’année 2022, plusieurs événements ont déjà modifié et modifient encore l’ordre international. Les spéculations sur les conséquences de la guerre déjà en cours et d’une autre qui couve en Asie sont nombreuses et ont de fait bouleversé les conditions de la vie humaine principalement dans les pays dépendants.

Les prévisions les plus variées, sur ce qui se passera sur le plan alimentaire, mais aussi climatique et par conséquent politique et social, touchent aussi l’ensemble du monde arabe dépendant des matières premières, en particulier, des céréales ukrainiennes et russes. La Tunisie en fait partie et elle est en première ligne.

Les plus pessimistes des observateurs, comparent la situation de la Tunisie à ce que le Sri-Laka a connu il y a peu de temps. Et cette situation est d’autant plus alarmante que les éléments issus de la consultation référendaire récente risqueraient de compliquer la situation sociopolitique d’une Tunisie à la recherche d’une perspective d’équilibre démocratique, et de développement économique.

Revenir aux sources des problèmes

Alors, un retour s’impose à la réalité qui est à l’origine de cette situation intérieure aggravée par des circonstances internationale.

Aussi, pour bien la situer dans un réel équilibre d’analyse, cette perspective décrite comme chaotique par certains, comme moyen de transition vers une voie démocratique par d’autres, devra être présentée par rapport aux conditions qui l’ont précédée, et à plusieurs égards l’ont engendrée. Elle ne date pas du 25 juillet 2021, mais bien avant.

Faut-il rappeler que les situations les plus marquantes de la vie politique en Tunisie sont nombreuses, en particulier, depuis la fin du mandat de transition de la période post révolutionnaire.

Instabilité politique, absence de programmation pour un développement régional, attentats terroristes, attitude islamiste refusant de voter les lois, économie désertée par les investisseurs étrangers, etc. Les évènements sont nombreux. Autant d’ailleurs, que les comportements et les réactions qu’ils ont provoqués chez les partis politiques ayant des représentations nationales. Ces réactions et comportements varient, dans l’action et dans le discours, selon que l’on se place dans la logique d’un jeu multiple sur un terrain unique (l’intérêt démocratique du pays) ou inversement, dans celle de plusieurs terrains (idéologique, sociétal, économique) pour un jeu unique (le pouvoir). La logique des antagonistes n’étant pas la même, les réactions aussi.

Dans la perspective qui est celle de la recherche d’une démocratie, les uns prônent le maintien du pouvoir en place, écartant toutes menaces. Les autres défendent la reconquête de l’identité musulmane quitte à voir surgir les jours sombre des attentats. Et d’autres, encore, voient une nécessité dans l’action sécuritaire telle que le pays le vit de temps en temps.

Concrétiser les aspirations du 25 juillet

Dans tout ceci, quelle est la part de l’incertain, de l’imprévisible qui augmentent au fur à mesure que la crise économique et financière s’accroît?

Quelle est la démarche à entreprendre pour éviter que ce pays ne sombre dans une dérive sociale ravivée par la crise économique qui risque de durer?

Faut-il considérer que le pouvoir actuel n’a que trop duré et qu’il ne retrouvera plus les synergies nécessaires pour une relance de l’économie et sortir le pays de la menace de défaut de paiement sous 40 jours ?

Faut-il croire que la situation est encore plus grave et que les libertés et les vies humaines n’ont plus de sens pour une partie de la population?

Faut-il chercher des solutions à la démocratie au moment même où, déontologiquement, certains partis politiques inféodés aux valeurs religieuses nient – dans les faits – l’existence même de la notion d’une démocratie plurielle?

Faut-il garder une fermeté de la part de toutes les femmes et tous les hommes qui aspirent au maintien d’un modèle laïc et se battre pour l’instauration d’une vie démocratique légitimée par les urnes?

Faut-il, enfin, s’affronter au pouvoir en place, autrement-dit renter dans l’incertain et l’imprévisible?

Les questions sont aussi nombreuses que les acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels, qui existent dans le pays.

En cette période d’incertitude, sur les plans national et international, ne faudrait-il pas entamer, aussitôt les législatives du 17 décembre passées, une concertation nationale pour créer un bloc autour du projet sorti des urnes, stabiliser le modèle défendu par le mouvement du 25 juillet et éviter les blocages parlementaires et les mascarades d’Ennahdha qui n’ont que trop duré ?

Les priorités et les urgences

L’apprentissage démocratique est en marche et c’est une bonne chose. Les modèles occidentaux, s’il en est, sont tous passés par des hauts et des bas. Nul régime n’est sorti de la poche d’un élu, tous avaient flirté avec l’autoritarisme, le parlementarisme, le présidentialisme et ce jusqu’à trouver un équilibre.

La Tunisie est d’ailleurs à la recherche de cet équilibre et elle y parviendra. La seule condition, est d’écarter ceux formant un blocage et qui ne veulent pas jouer le jeu. Car, la priorité, l’urgence pour le pays est de :

1- donner confiance aux institutions internationales pour leur soutien financier, autrement il abordera 2023 en très grande difficulté;

2- rassurer les partenaires étrangers pour plus d’investissements extérieurs, le seul chemin pour relancer l’économie et créer des emplois;

3- abandonner l‘idée de toujours voir le secteur public comme pourvoyeur d’emplois, car la charge publique est trop forte;

4- revoir les conditions du taux directeur au niveau de la Banque centrale et des banques pour encourager le financement des porteurs de projets, diplômés ou pas;

5- imaginer une nouvelle génération de microcrédits encourageant la création de microprojets de proximité, notamment ceux portés par les femmes rurales pour sortir les campagnes de la misère;

6- promouvoir tous les projets, petits ou grands, liés à l’eau pour ne pas perdre l’héritage séculaires des oasis et garantir la pérennité de l’agriculture et la sécurité alimentaire;

7- relancer les projets liés à l’énergie, aux infrastructures structurantes (aéroports, ports, routes, transport, etc.), condition sine quoi non pour relancer l’économie…

Il y a certainement d’autres urgences que nos décideurs devraient identifier, chacun dans son domaine, mais pas seulement. Ils devraient aussi réfléchir aux moyens de les mettre en œuvre dans l’urgence. Expert immobilier indépendant.

* Cadre bancaire à la retraite.

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