Tunisie : l’UGTT baisse le ton ou les raisons d’une métamorphose

On remarque depuis peu une certaine évolution dans la position des dirigeants de l’UGTT qui semblent moins revendicatifs, moins critiques à l’égard du gouvernement et plus portés sur la recherche du compromis en vue d’un accord a minima, qui ne ruinerait pas un Etat déjà presque ruiné et ne décevrait pas totalement les salariés. Explications…

Par Imed Bahri

La commission administrative nationale de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) se réunit aujourd’hui, dimanche 11 septembre 2022, pour examiner les questions débattues, il y a deux jours, lors la réunion de négociations avec le gouvernement.

La réunion de vendredi avait duré environ sept heures et s’était tenue en présence de la cheffe du gouvernement Najla Bouden, du gouverneur de la Banque centrale Marouane El-Abassi et du ministre des Finances Sihem Nemsia. Elle a été consacrée aux questions d’ordre social, a déclaré le secrétaire général de l’organisation syndicale, Noureddine Tabboubi, qui intervenait, samedi, lors d’une cérémonie organisée par l’Union régionale du travail de Monastir, à l’occasion de la Journée du savoir.

Taboubi étonnamment calme et conciliant

M. Taboubi, qui semble être revenu à de meilleurs sentiments vis-à-vis du gouvernement, ce dont témoigne son discours étonnamment calme et conciliant, a ajouté que l’UGTT s’emploie à trouver des solutions «au moins rationnelles» aux questions sur lesquelles achoppent les négociations sociales, notamment les augmentations salariales dans le secteur et la fonction publics, revendiquées par le syndicat mais que le gouvernement, aux prises avec une grave crise économique et financière, n’est pas en mesure de satisfaire.

Tout en affirmant que «les négociations progressent», sans préciser sur quels points, M. Taboubi a ajouté que «la réunion a été marquée par la présentation de certaines propositions pour parvenir à un consensus, compte tenu de la situation économique difficile dans le pays», tout en soulignant «la nécessité d’une mobilisation générale en faveur du développement et de la création de richesses réelles.»

Sami Tahri, secrétaire général adjoint et porte-parole de l’UGTT, a déclaré, de son côté, ce dimanche, que le gouvernement a fait une proposition dans le dossier des augmentations salariales, expliquant que cette proposition ne peut être qualifiée de positive ou négative, mais elle doit être discutée et c’est l’objet de la réunion d’aujourd’hui.

On remarquera sans peine une certaine évolution de la position des dirigeants de l’UGTT qui semblent moins revendicatifs, moins critiques à l’égard du gouvernement et plus portés sur la recherche du compromis en vue d’un accord a minima, qui ne ruinerait pas un Etat déjà presque ruiné et ne décevrait pas totalement les salariés.

M. Taboubi et ses camarades du bureau exécutif de l’UGTT semblent s’être enfin rendu compte que les surenchères et les menaces de grève générale dans le secteur et la fonction publics, leur principal fief, ne font plus trembler le gouvernement actuel (comme elles ont fait trembler – et abdiquer – les précédents). Aussi baissent-ils le ton, admettent-ils les difficultés financières de l’Etat comme une contrainte nationale à laquelle l’UGTT doit aussi se soumettre, et cherchent-ils un compromis qui leur permette de ne pas revenir totalement bredouilles à leurs militants de base.

On ne peut pas partager une richesse qui n’a pas été créée

On constatera aussi que les dirigeants de l’UGTT se résignent aussi à admettre l’équation selon laquelle on ne peut pas partager une richesse qui n’existe pas et qu’on n’a pas contribué à créer, et que le temps des augmentations accordées aux salariés du secteur et de la fonction publics aux dépens des équilibres financiers de l’Etat et au prix de son endettement auprès des bailleurs de fonds internationaux, est aujourd’hui révolu.

Par ailleurs, et quand bien même le gouvernement Najla Bouden serait très faible et à court de solutions, il ne peut pas céder aux pressions quelles qu’elles soient, pour la simple raison que les caisses de l’Etat sont quasiment vides et qu’il n’a plus les moyens d’offrir des cadeaux, au moment où il peine à trouver les fonds nécessaires pour assurer ses dépenses les plus urgentes : salaires des fonctionnaires, pensions des retraités, importations des besoins vitaux (énergie, céréales, sucre, café, lait, etc.) Et ce dans un contexte de crise économique mondiale dont le pays n’a pas fini de subir les retombées négatives sous formes d’inflation, de hausse des prix, de déficit extérieur et de malaise social.

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