Mohamed Jouili analyse l’implication des familles tunisiennes dans la migration irrégulière

L’implication de plus en plus des familles tunisiennes dans les processus migratoires irréguliers reflète l’extension de la carte du désespoir en Tunisie, estime le sociologue Mohamed Jouili.

Dans son analyse de la montée de ce phénomène au cours des dernières années, le sociologue a déclaré, dans un entretien avec l’agence Tap, dimanche 11 septembre 2022, qu’il s’attend à ce qu’il augmentera encore dans les années à venir, ajoutant que l’implication directe des familles dans ce type de migration se fait soit en apportant un soutien financier à leurs enfants candidats à l’émigration illégale, soit en participant elles-mêmes aux traversées.

L’exacerbation de ce phénomène au cours des derniers mois indique que les horizons sont largement bouchées, a estimé M. Jouili, indiquant que l’intensité des traversées migratoires irrégulières et leurs dynamiques changeantes, en référence à la vague des traversées aériennes ou terrestres, via la Turquie et la Serbie, en direction de l’Europe de l’Ouest, prouvent que l’espoir s’amenuise chez les jeunes, qui constituent la partie la plus importante des migrants irréguliers.

«La foi dans l’émigration augmente et le sentiment de la nécessité du départ se forme chez les jeunes lorsqu’ils font face à une réalité qui ne répond pas à leurs aspirations, et le choix de la migration chez beaucoup d’autres qui ont les moyens d’émigrer régulièrement, notamment les médecins, les ingénieurs, les étudiants, etc., renforce la conviction de la nécessité du départ chez le reste des jeunes qui n’ont pas ces moyens», analyse M. Jouili.

Des milliers de personnes ayant un emploi stable migrent par des itinéraires réguliers et préfèrent quitter le pays, où les horizons d’amélioration de leur situation se bouchent;  ce qui crée chez d’autres jeunes, qui n’ont ni emploi stable, ni diplôme, ni une qualification quelconque, un fort désir de partir, même de manière irrégulière et même si les itinéraires suivis sont semés d’embûches, explique le sociologue.

Ce qui facilite leur projet, c’est l’existence des réseaux de migration irrégulière, dont l’unique souci est de gagner de l’argent, même au détriment de la sécurité des migrants qu’ils exposent à de grands risques. Aussi l’Etat est-il tenu de faire face à ces réseaux en intensifiant la surveillance, en découvrant et en démantelant leurs activités.

A noter que le nombre de Tunisiens arrivés sur les côtes italiennes dans le cadre de l’émigration irrégulière a atteint 3.730 personnes en moins d’un mois, du 15 août au 8 septembre, selon le porte-parole officiel du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) Romdhane Ben Amor.

Par ailleurs, une étude récemment réalisée par le professeur des universités Nejib Boutaleb a révélé que plus de 12 000 jeunes du gouvernorat de Tataouine, dans le sud de la Tunisie, sont partis en Europe. Ils ont payé environ 20 000 dinars par personne. La plupart d’entre eux ont migré via des lignes aériennes régulières entre la Tunisie et la Serbie, première porte d’entrée en Europe.

I. B.

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