Alors que l’affaire de l’envoi de milliers de jeunes tunisiens vers les foyers de tension en Libye, Syrie et Irak refait surface avec l’arrestation de politiciens, sécuritaires et hommes d’affaires, des observateurs formulent l’espoir que ce ne sera pas une énième instrumentalisation en feu de paille de ce crime contre la jeunesse de notre pays et son image internationale de grand «exportateur» de djihadistes. (Financé par le Qatar, le réseau de recrutement des djihadistes a fleuri en Tunisie sous le règne de la « Troïka » conduite par Rached Ghannouchi et Moncef Marzouki).
Par Elyes Kasri *
Certains semblent croire, non sans raison, que cette affaire est liée à d’autres dossiers qui ont émaillé le règne funeste de la «Troïka» (la coalition dominée par Ennahdha ayant accédé au pouvoir en 2011, Ndlr) notamment l’appareil sécuritaire du parti islamiste et son réseau d’organisations pseudo-civiles ainsi que leur financement occulte par des organisations et puissances étrangères, ainsi que la nébuleuse islamiste internationale, la Turquie et le Qatar entre autres.
Associations opaques et financements occultes
Certains en arrivent à pointer du doigt le Fonds d’amitié tuniso-qatari lancé en 2013 et qui aurait financé certaines associations opaques qui nécessitent une enquête approfondie sur leurs liens avec le radicalisme religieux et le terrorisme.
Certains s’interrogent sur les circonstances de l’octroi à ce fonds de privilèges exceptionnels pour ses activités sur le territoire tunisien notamment le débat qui aurait pu avoir lieu au sein de l’exécutif, à savoir les départements et services associés à sa négociation, sur son potentiel d’empiètement sur la souveraineté tunisienne, l’opacité de son fonctionnement et les critères d’éligibilité à son appui financier.
Si l’Assemblée était à l’époque contrôlée par Ennahdha et ses satellites inféodés au Qatar et que le «tartour national» (l’ancien président de la république par intérim Moncef Marzouki, Ndlr) semblait se comporter comme une marionnette de ses maîtres islamistes, il y a lieu de se demander comment et dans quelles circonstances les services de l’exécutif, censés étudier et négocier en premier lieu les accords internationaux, aient pu donner leur aval à cet accord international malgré les risques d’empiètement sur la souveraineté tunisienne et son potentiel, confirmé ultérieurement selon certains, d’instrumentalisation à des fins politiques et éventuellement subversives.
La responsabilité avérée de l’exécutif
Si les députés qui ont approuvé l’accord portant création du Fonds d’amitié tuniso-qatari et l’ancien président de la république par intérim qui l’a ratifié (et dont l’inféodation au Qatar se poursuit jusqu’à aujourd’hui, Ndlr) ont quitté leurs postes et seront jugés par l’histoire, il y a lieu de s’interroger sur le sort des politiciens et bureaucrates qui ont négocié et avalisé, directement ou indirectement, cet accord international qui semble être considéré par certains comme préjudiciable à la souveraineté et à la sécurité de la Tunisie.
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Ce serait un scandale s’il devait se confirmer que des pressions politiques ont dicté un traitement de faveur de cet accord de la part de certains responsables et services de l’exécutif tunisien au détriment des intérêts, de la souveraineté et de la sécurité de la Tunisie.
Ce serait encore plus scandaleux si ceux qui ont été associés à cette négociation/acquiescement puissent occuper encore des postes de responsabilité.
Une enquête approfondie et impartiale semble s’imposer sur les péripéties de la négociation et de la signature par l’exécutif de l’accord portant création du Fonds d’amitié tuniso-qatari dans le sillon de l’affaire de l’embrigadement de jeunes tunisiens dans des activités terroristes sur des théâtres extérieurs.
S’il se dit que tous les chemins mènent à Rome, toutes les pistes terroristes en Tunisie semblent mener à la «Troïka» de triste mémoire et à ses serviteurs sans scrupules et dépourvus de tout patriotisme.
* Ancien ambassadeur.
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