Incomprise, décriée, parfois même insultée par ses adversaires, Abir Moussi poursuit sur la voie intransigeante qu’elle s’est tracée, menant dans son sillage des Destouriens qui reconnaissent en elle la digne héritière de Habib Bourguiba, le père de la nation.
Par Imed Bahri
On ne compte plus le nombre de plaintes déposées par le Parti destourien libre (PDL) contre telle ou telle institution de l’Etat, mais le fait qu’aucune de ces plaintes n’a été sérieusement examinée par la justice ne semble pas avoir découragé sa tonitruante présidente, l’avocate Abir Moussi.
C’est ainsi que le PDL a annoncé avoir déposé une nouvelle plainte devant le Tribunal de première instance de Tunis contre l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) pour (tenez-vous bien !) suspendre le processus des élections législatives du 17 décembre 2022.
Le parti de Me Moussi a précisé dans un communiqué publié lundi 7 novembre qu’il demande, par sa requête, dont l’audience est prévue le 11 novembre, le gel de tous les fonds mobilisés pour l’Isie, estimant que cet argent public est dilapidé dans une opération inutile, illégale et dont les résultats seront fortement contestés.
Ne pas reculer face à l’obstacle
Le PDL accuse l’Isie, qui sert de bouclier au président de la république Kaïs Saïed, d’avoir porté atteinte au droit des Tunisiens à des élections conformes aux normes internationales et d’avoir gaspillé l’argent public. Il estime que l’autorité électorale devrait suspendre l’organisation des élections car 7 circonscriptions n’ont enregistré aucun candidat.
Ce n’est là qu’un des nombreux griefs exprimés contre le processus électoral, du reste décrié par la majorité des acteurs politiques et des organisations spécialisées dans l’observation des élections.
Cependant, la démarche des Destouriens a peu de chance d’aboutir, car, jusque-là, aucune de leurs précédentes démarches auprès de la justice n’a abouti, et ce n’est pas parce que leurs plaintes étaient infondées. De là à penser que leur dernière plainte aura le même sort que les précédentes, il y a un pas que l’on ferait volontiers. Car la décision, dans ce genre d’affaires, n’a jamais été judiciaire, mais politique, et la justice a rarement profité de ce genre d’affaires pour prouver… son indépendance, un vain slogan auquel les juges sont les derniers à croire.
On comprend, également, l’entêtement d’Abir Moussi et de ses partisans à vouloir poursuivre un combat très inégal contre un pouvoir qui ne semble pas prêt à reconnaître ses erreurs et encore moins à lâcher du lest.
L’obstination des Destouriens
D’abord, cette obstination est la marque d’un tempérament, d’un style et d’une méthode que la présidente du PDL a réussi à faire partager par ses partisans, de plus en plus nombreux chaque jour.
Ensuite, et au-delà de la foi dont elle émane, et qui peut vaciller de temps en temps face aux obstacles infranchissables que met la réalité du pouvoir personnel sur leur chemin, cette obstination des Destouriens est le seul argument dont ils peuvent se prévaloir pour prouver, au regard des Tunisiens, une légitimité politique acquise de haute lutte.
Enfin, et dans la situation de désert politique imposé par l’état d’exception proclamé par le président de la république, le 25 juillet 2021, il n’est pas question de participer à un processus politique que les Destouriens considèrent comme illégal de bout en bout.
La politique des étapes
Aussi, et en attendant que la situation se décante et que le processus initié par Kaïs Saïed atteigne ses limites et prouve son inanité, il s’agit de poser des jalons, de marquer des points et de prendre rendez-vous avec l’histoire.
C’est dans ce cadre qu’il faut situer ce que beaucoup de Tunisien(ne)s considèrent, à tort, comme de vaines gesticulations de la part de Mme Moussi et de ses adeptes, comme les plaintes qu’ils déposent de temps en temps contre telle ou telle institution de l’Etat. En effet, la somme de ces plaintes pourrait, le jour J, constituer un vibrant réquisitoire contre un régime qui, d’ici là, se serait fourvoyé dans ses propres incohérences et aurait prouvé son incapacité à sortir le pays de la crise et à le propulser dans un système démocratique progressiste.
Mme Moussi, qui se présente souvent comme la légitime héritière de Habib Bourguiba, aime s’identifier au père de la nation, de se réclamer de son legs et d’appliquer ses méthodes, notamment celle de la politique des étapes, qui lui était la plus chère.
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