Abir Moussi et les autres dirigeants de l’opposition en Tunisie doivent comprendre que le langage de vérité, surtout dans les questions socio-économiques, est politiquement plus porteur à moyen et long termes, que l’opposition systématique aux choix du pouvoir en place qu’en réalité ils partagent, et qui, au contraire, trahit chez certains d’entre eux, une détestable duplicité qui ne saurait échapper longtemps à la vigilance des électeurs.
Par Imed Bahri
Abir Moussi a considéré la levée immédiate des subventions des produits de première nécessité comme une opération mal conçue et suicidaire qui menacerait la paix sociale.
La présidente du Parti destourien libre (PDL), qui intervenait lors d’une réunion publique au Palais des congrès à Tunis, dimanche 13 novembre 2022, pour présenter le programme de son parti, lequel comprend entre autres la levée progressive des subventions, a déclaré que 55% des dépenses de subventions sont dirigées vers l’énergie, 36% vers les produits de base (blé, sucre, café, huile végétale…) et 9% vers le transport, appelant, dans ce contexte, à la nécessité d’œuvrer pour la réduction du coût des subventions dans les secteurs qui représentent la plus forte pression sur le budget de l’Etat.
Convictions profondes et postures populistes
Cette déclaration trahit cependant une certaine propension des dirigeants de l’opposition en Tunisie à prendre parfois des positions en contradiction avec leurs convictions les plus profondes pour rester dans une posture critique à l’égard de tout ce que fait ou préconise le pouvoir en place, en reprochant à ce dernier de faire ce qu’ils auraient fait eux-mêmes s’ils étaient au pouvoir !
En fait, Mme Moussi et les Destouriens sont, de par leur orientation idéologique, des socio-libéraux, et sont censés s’opposer par principe aux subventions qui grèvent depuis un demi siècle le budget de l’Etat en Tunisie et détournent une bonne partie des ressources étatiques de leur destination première, à savoir l’investissement dans les infrastructures et les services publics, lesquelles continuent de se dégrader (éducation, santé, transport…)
Or, en cette période cruciale où la Tunisie fait face à une grave crise socio-économique et a besoin de mettre en œuvre des réformes structurelles pour réduire le déficit de ses finances publiques, qui continuent de se creuser et d’atteindre des taux catastrophiques, les Destouriens auraient sans doute gagné en crédibilité en évitant les postures populistes, en faisant preuve de plus de courage politique et en assumant plus clairement leurs positions sur ces questions qui fâchent, quitte à faire grincer momentanément quelques dents.
Un homme ou une femme politique doit faire preuve de courage et cesser de faire de vils calculs électoraux, surtout dans les moments de crise et lorsque la situation dans le pays a atteint un tel degré de gravité et requiert de douloureuses révisions.
Les tentations de l’opportunisme électoral
Dans ce contexte, nous aimerions poser cette question à Mme Moussi qui brigue ouvertement la présidence de la république, et c’est son droit : si demain elle entrera au palais de Carthage, ferait-elle preuve de duplicité, comme le président de la république Kaïs Saïed qui, aujourd’hui, soutient en sous-main les politiques foncièrement libérales de son gouvernement, tout en multipliant les appels du pied en direction des couches les plus pauvres de la population en les bernant par de fausses promesses ?
Certaines des positions actuelles de Mme Moussi le laissent penser, comme ses dernières déclarations sur les subventions qui sacrifient à une forme d’opportunisme électoral, alors que tous les experts économiques de son parti savent l’inutilité de ces subventions et les pressions intenables qu’elles continuent de faire peser sur les équilibres financiers de l’Etat.
En fait, par le courage qu’il exige et la sincérité qu’il traduit, le langage de vérité, surtout dans les questions socio-économiques, est politiquement plus porteur à moyen et long termes pour celui ou celle qui le tient, que l’opposition systématique aux choix du pouvoir en place qu’en réalité on partage, et qui trahit, au contraire, une détestable duplicité qui ne saurait échapper longtemps à la vigilance des électeurs.
Par ailleurs, un homme ou une femme politique qui postule à la plus haute charge de l’Etat doit faire preuve de responsabilité, de charisme et de pédagogie pour expliquer, convaincre et partager ses choix, fussent-ils impopulaires, avec le plus grand nombre de ses concitoyens. Et surtout, éviter de se montrer lâche, en se cachant derrière son petit doigt et en taisant ses plus profondes convictions.
A bon entendeur…
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