Nous reproduisons ci-dessous des extraits d’un article du journaliste espagnol concernant la série télévisée tunisienne Fallujah, réalisée par Saoussen Jemli pour El-Hiwar Ettounsi, et qui réalise les meilleurs taux d’audience pendant les soirées de Ramadan et provoque des polémiques sociales et politiques en Tunisie.
Par Juan Carlos Sanz *
Entre drames, feuilletons télévisés et comédies, des productions télévisuelles des nuits du mois sacré musulman déclenchent d’intenses débats et des polémiques sociales
Après le coup de canon qui marque le coucher du soleil et devant un bol de harira ou de chorba, la copieuse soupe avec laquelle ils rompent habituellement leur jeûne, les Maghrébins se réunissent en famille devant la télévision pendant le Ramadan.
Le mois sacré musulman est aussi une saison pour les avant-premières : les chaînes de télévision font le reste avec des castings de stars et des productions qui coûtent les plus gros budgets de l’année.
Controverses et des polémiques
Les drames, les feuilletons, les comédies, les émissions d’humour, les séries d’action ou les concours de cuisine se déroulent aux heures de grande écoute, tôt le soir. Comme presque partout. Mais parmi les avant-premières du mois sacré du jeûne, qui réunit famille, amis et voisins autour de la table au coucher du soleil, il y a des séries qui explorent les limites (et les passions) de la société civile maghrébine au milieu des controverses et des polémiques.
Certains soulèvent des éruptions. Comme cela s’est produit en Tunisie avec la série Fallujah (du nom de la ville irakienne qui a résisté il y a deux décennies face à l’avancée des troupes américaines). «Bienvenue à Fallujah» est la légende avec laquelle une jeune enseignante est reçue avec un graffiti sur son véhicule par ses élèves dans un établissement public tunisien. Les pilules d’ecstasy circulent dans le lycée et les scènes de harcèlement et de bizutage sont courantes, ainsi que l’impolitesse envers les enseignants.
Programmée sur la grille d’une chaîne privée et enregistrée dans un lycée public, cette série est vue par le journal tunisien La Presse, l’un des plus diffusés dans le pays d’Afrique du Nord, comme «contraire aux valeurs familiales (…) dans le délicat équilibre entre liberté d’expression et normes sociales».
Le ministre de l’Éducation, Mohamed Ali Boughdiri a estimé que la série de «nuit à tous les éducateurs». «Nous allons adopter des mesures pour mettre un terme à cette mascarade», a-t-il souligné après avoir noté que le gouvernement au complet a suivi les premiers épisodes pour décider d’autoriser ou non la poursuite de sa diffusion. Le Conseil des ministres n’est pas seul à monter au créneau. La Fédération de l’enseignement secondaire (syndicat relevant de l’Union générale tunisienne du travail, UGTT, Ndlr) a estimé que la série porte gravement atteinte à l’image des enseignants. Et il y a, d’ailleurs, des avocats qui ont pris la décision d’ester en justice pour faire arrêter immédiatement la diffusion de la série pour «atteinte aux bonnes mœurs et diffusion d’obscénités». La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) préfère attendre la fin de la série Fallujah et se borne à souligner qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur la qualité du feuilleton télévisé.
La liberté d’expression vacille
Les polémiques autour de la série ramadanesque reflètent la grande distance entre une société civile qui se reconnaît dans la réalité sociale montrée par les nouvelles productions télévisuelles et quelques instances de pouvoir ancrées dans des valeurs nationales conservatrices et religieuses. Alors que la liberté d’expression vacille au Maghreb, où «l’emprisonnement des journalistes est courant», selon Reporters sans frontières, les scénaristes parviennent à forcer le trait pendant le mois sacré du jeûne, pour réaliser les meilleures taux d’audience de l’année.
Traduit de l’espagnol.
Source : El Pais.
* Correspondant pour le Maghreb du journal espagnol El Pais.
** Le titre et les intertitres sont de la rédaction.
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