La Tunisie continue de payer le prix de son immobilisme  

En dépit des gesticulations pour amuser la galerie et distraire l’opinion publique, en évoquant la souveraineté de l’Etat et son rôle social, le refus d’engager les réformes nécessaires aura des conséquences tragiques pour les Tunisiens et très probablement pour l’Etat tunisien qui fait face à une crise existentielle.

Par Elyes Kasri *

Depuis 2011, les gouvernements se suivent et ont tous eu pour dénominateur commun une frilosité croissante à l’égard d’une administration sclérosée et anachronique et d’un syndicalisme féodal qui ne veut pas lâcher son domaine public qui constitue pour lui un butin de décennies d’extorsion sous couvert de défense des travailleurs et de politique sociale alors qu’il n’a fait qu’anémier le marché de l’emploi et contraindre l’Etat à détourner les budgets requis par l’éducation, la santé et l’infrastructure pour combler le déficit abyssal et chronique d’entreprises publiques qui mériteraient, s’il en était, le prix Nobel de la gouvernance calamiteuse et de la corruption de la pire espèce.

Le refus d’engager les véritables réformes

Refuser de  moderniser et de numériser l’administration en la ramenant à des ratios internationaux et persister dans la soumission à l’extorsion pratiquée par les entreprises publiques sous couvert de slogans pompeux et trompeurs de souveraineté nationale et du rôle social de l’Etat ne fera qu’accentuer l’incapacité de cet Etat à honorer ses obligations les plus essentielles et à entraîner l’écrasante majorité du peuple tunisien dans la pauvreté et le dénuement les plus abjects.

En dépit des gesticulations pour amuser la galerie et distraire l’opinion publique, toute poursuite du refus d’engager les véritables réformes aura des conséquences tragiques pour les tunisiens et très probablement pour l’Etat tunisien qui fait face à une crise existentielle.

Sur un autre plan, en plus des conséquences du Covid et de la guerre en Ukraine, la diplomatie tunisienne se trouve aujourd’hui bousculée par les réactions en chaîne suscitées par la précipitation des événements dans la région du Sahel africain après le soulèvement armé au Niger ainsi que l’accélération du processus de normalisation arabo-israélienne à la suite des échos d’une récente visite éclair du Premier ministre israélien en Arabie Saoudite.

La diplomatie bousculée par les évolutions dans la région

La Tunisie avait longtemps invoqué avec un certain confort le consensus arabe concernant le conflit arabo-israélien, mais a adopté au cours des dernières années une position en pointe ferme sur les principes mais de plus en plus en démarquage vis-à-vis du consensus arabe au vu du nombre croissant des pays de la région ayant normalisé leurs relations avec Israël ou en ayant engagé le processus.

Avec le poids de l’Arabie saoudite dans le monde arabo-musulman, si la normalisation israélo-saoudienne devait se confirmer, la Tunisie risque de se retrouver dans le «camp du refus», de plus en plus restreint et minoritaire, et devra en assumer les conséquences.

La question est de savoir si une normalisation israélo-saoudienne, imminente selon les experts, sera qualifiée de haute trahison par le président Kaïs Saïed et les nationalistes tunisiens «purs et durs» et à quel prix?

* Ancien ambassadeur.

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