Diplomatie : la Tunisie ressort la carte des Brics

En remettant sur la table la question d’une probable adhésion de la Tunisie au groupe Brics, le président Kaïs Saïed cherche-t-il à faire pression sur les Etats-Unis et l’Union européenne, partenaires historiques de la Tunisie, pour faire taire leurs critiques à son endroit sur les thèmes des droits et des libertés?

Par Imed Bahri

La question d’une probable demande d’adhésion de la Tunisie au groupe Brics n’est pas vraiment enterrée, comme l’ont laissé entendre certains membres du gouvernement tunisien, comme Samir Saïed, ministre de l’Economie et de la Planification, qui, lors d’une plénière à l’Assemblée, le 29 juillet dernier, avait déclaré que le volume de l’économie tunisienne ne lui permet pas de rejoindre les Brics.

En effet, le président de la république Kaïs Saïed a abordé, lors de sa rencontre, vendredi 18 août 2023, au palais de Carthage, avec le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens de l’étranger, Nabil Ammar, venu lui faire le bilan de sa récente visite en Algérie, «la participation de la Tunisie à la réunion qui se tiendra en Afrique du Sud à la fin de ce mois et qui réunira les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres du groupe Brics avec un certain nombre de pays partenaires.»

Grand voisin et petite voisine

Le communiqué ne précise pas à quel niveau ni en quelle qualité la Tunisie participera à cette réunion, n’étant encore officiellement ni membre de plein droit ni candidate à l’adhésion à ce groupe, mais l’évocation même de la réunion sud-africaine, dans le sillage de concertations politiques et diplomatiques avec l’Algérie, qui, elle, a officiellement demandé d’intégrer ce groupe, n’est pas anodin et ne saurait passer inaperçue. D’autant que la Tunisie de Kaïs Saïed se sent de plus en plus à l’étroit dans ses relations, trop exclusives et contraignantes au goût du locataire du palais de Carthage, avec le bloc occidental, Etats-Unis et Union européenne en tête, très regardant sur les questions des libertés et des droits.

L’Algérie cherche-t-elle à entraîner sa «petite voisine» dans son sillage en œuvrant diplomatiquement pour un renforcement des relations entre la Tunisie et les pays membres des Brics, qui sont des alliés de longue date d’Alger, notamment Pékin et Moscou ?

A moins que le président Saïed ne cherche à utiliser cette carte des Brics pour faire pression sur Washington et Bruxelles et faire taire leurs critiques à son endroit. Ce qui n’est pas non plus exclu. Et ce serait, pour ainsi dire, de bonne guerre.  

C’est dans ce cadre qu’il convient aussi de situer la visite de Nabil Ammar, le 27 juillet, à Moscou où le ministre tunisien a sollicité l’aide de la Russie pour l’approvisionnement de la Tunisie en céréales à un prix préférentiel. La Tunisie a aussi besoin des engrais, du pétrole et des touristes russes pour soulager son économie en détresse.

A propos de l’Algérie, dont les ingérences dans les affaires tunisiennes se multiplient à divers niveaux, le président de la république a souligné, selon le communiqué de la présidence, la volonté partagée de développer les relations bilatérales, car «l’histoire des deux pays et leur présent ne font qu’un et leur avenir le sera aussi», dans une limpide réponse aux analystes qui déplorent ce qu’ils appellent la relation de «vassalisation» entre la Tunisie et son «grand voisin».

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