Dans une intervention à la radio italienne Italia 1, le 5 août 2022, Giorgia Meloni affirmait que «la meilleure solution au problème [de l’immigration, Ndlr] est d’empêcher le départ et non l’arrivée, bloquer le départ est plus efficace». Et c’est exactement ce que la future Première ministre italienne a cherché à faire avec la Tunisie, dont l’actuelle direction s’est montrée très coopérative. Mais au terme d’un été très chaud pour les gardes-côtes italiens, force est de constater que les résultats de la lutte contre l’immigration irrégulière restent très en-deçà des espérances. (Illustration : rencontre, hier, entre Kaïs Saïed et Manfred Weber).
Par Imed Bahri
Dans ce contexte, le président Kaïs Saïed a eu, mardi 29 août 2023, un entretien téléphonique avec Giorgia Meloni qui a porté sur «la coordination entre les deux pays, notamment face à l’afflux continu de migrants irréguliers, derrière lesquels se cachent des réseaux criminels impliqués dans le trafic d’êtres humains, que ce soit dans les pays du sud ou du nord de la Méditerranée, ou en Afrique subsaharienne», selon un communiqué de la présidence tunisienne.
Fratelli d’Italia
Il est clair que Mme Meloni s’impatiente de voir le résultat de son activisme auprès des autorités tunisiennes pour freiner les flux des migrants irréguliers à partir de leurs côtes en direction des côtes italiennes. C’était sur cette promesse que la présidente du Conseil italien et son parti Fratelli d’Italia ont gagné les dernières élections. Or, c’est le contraire qui arrive avec une forte hausse de ces flux depuis le début de l’année, et particulièrement depuis mai dernier. Et pour cause, Saïed n’a pas plus de baquette magique que Mme Meloni, et ce nonobstant les discours circonstanciels pompeux prononcés lors des rencontres bilatérales et multilatérales.
D’ailleurs le communiqué de la présidence tunisienne n’a pas parlé de l’arrêt des flux de la migration irrégulière, la Tunisie refusant de jouer le rôle de garde-côtes pour autrui, comme l’a souvent répété le président Saïed. L’accent a surtout été mis sur la nécessité de poursuivre le processus lancé à Rome sur une initiative conjointe de la Tunisie et de l’Italie, et qui se poursuivra dans la prochaine étape en Tunisie; l’objectif étant de s’attaquer collectivement aux causes profondes de la migration irrégulière et de mettre fin à cette tragédie humaine, explique le Palais de Carthage, qui préfère situer la problématique de la migration dans le contexte global des relations Nord-Sud et des écarts de développement qui se creusent entre ces deux parties du monde.
Le président Saïed a d’ailleurs insisté sur cette même thématique lors de l’entretien qu’il a eu hier au Palais de Carthage avec le président du groupe parlementaire du Parti populaire européen au Parlement européen, Manfred Weber, en présence du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens de l’étranger, Nabil Ammar.
Le chef de l’Etat a encore insisté sur la nécessité d’adopter une approche commune pour aborder la question de la migration irrégulière. «Une approche basée sur l’élimination des causes de la migration irrégulière plutôt que sur la gestion des conséquences», a-t-il souligné selon un communiqué de la présidence de la république. Traduire : il n’y aura pas de solution au problème de la migration irrégulière sans une coopération globale pour développer les économies du sud et réduire les écarts de richesses entre le nord et le sud de la Méditerranée.
Fratelli d’Africa
Dans ce contexte, la réunion a souligné le partenariat stratégique et la coopération étroite entre la Tunisie et l’Union européenne dans divers domaines, ainsi que la nécessité d’accroître les opportunités d’investissement en Tunisie, seul moyen de lutter efficacement contre la migration irrégulière, étant clairement démontré que ce sont la pauvreté, le chômage et les horizons bloqués qui poussent les gens à risquer leur vie en traversant la mer Méditerranée sur des barques de fortune dénuées des conditions élémentaires de sécurité. Et ce ne sont pas les quelques 1,2 milliard d’euros d’aide européenne promis à la Tunisie (et restés jusque-là sur le papier), dont 900 millions sous forme de prêt conditionné par un improbable accord entre la Tunisie et le FMI, qui vont créer la dynamique nécessaire à la fixation des candidats à la migration dans leurs territoires.
Cessons de penser que l’on puisse construire des murs dans le Sahara ou en Méditerranée et œuvrons ensemble pour réduire les écarts de développement par des politiques moins égoïstes et moins populistes dont les peuples, au nord comme au sud, finirons par payer les frais.
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