C’est à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) à Paris que la rencontre a eu lieu avec Kaspars Germanis, le journaliste et chercheur affilié au Centre de géopolitique de Riga (Lettonie) qui a décidé d’entreprendre un petit tour d’Afrique en commençant par la Tunisie.
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lozato
Pourquoi le Letton, de passage à Paris, a-t-il fait ce choix ?
C’est ce qu’il va nous détailler lors de cet entretien où notre interlocuteur a pris le temps de répondre avec pédagogie, en expliquant l’objet de son étude en cours sur la géopolitique de l’Afrique.
Le chercheur, en quête d’informations relatives au Maghreb et à l’Afrique Subsaharienne, s’installe devant le petit-déjeuner qui nous est organisé par la Tunisienne Olfa Aloulou. On sent le voyageur sur la réserve, mais sans méfiance. Sa curiosité et son ouverture d’esprit vont se révéler au fur et à mesure de nos questions.
Kapitalis : Comment aimeriez-vous qu’on vous présente ?
Kaspars Germanis : Je viens de Lettonie, petite nation que beaucoup ne parviennent pas à situer sur la carte ou à définir. Là d’où je viens, ça appartient à l’ensemble des pays baltes, c’est-à-dire au voisinage immédiat de la Russie, et à proximité de la Finlande. C’est à la fois un pays de l’Est et un pays du Nord de l’Europe. J’ai une expérience de plus de vingt ans en tant que journaliste, d’abord pour les affaires intérieures, puis pour ce qui a trait aux relations internationales. J’ai travaillé sur des axes de réflexion tels que les migrations depuis la Roumanie ou encore les relations entre peuple et gouvernement en Thaïlande. J’ai produit beaucoup d’articles que l’on peut qualifier d’analytiques, à propos de la Lettonie et du contexte de guerre Russie/Ukraine.
Actuellement chercheur pour le Centre de géopolitique de Riga, j’envisage de découvrir le monde francophone élargi. Ce domaine de recherche est selon moi à approfondir. Justement, il n’est pas encore assez développé en Lettonie.
Comment comptez-vous vous y prendre ?
Moi et mes collaborateurs voudrions installer une réciprocité pour apprendre à connaître dans un premier temps. Puis à se connaître mutuellement.
Quelles seraient les étapes plus précises de ce processus ?
D’abord se documenter sur la Tunisie et les autres pays africains que j’ai à visiter. Pour ensuite immédiatement se faire connaître, nous présenter en tant que pays et pas seulement comme une entité culturelle. Ainsi nous susciterons la curiosité, et j’espère aussi l’intérêt.
Bien entendu c’est à nous Lettons qu’il incombera de manifester de la curiosité en premier. Par là, on peut espérer une voie incitant, par l’intermédiaire de la recherche, à la collaboration et au business. Ce volet du projet me parle vraiment, d’autant plus que je parle quatre langues : le letton, le français, l’anglais, le russe.
Comment qualifier votre projet ? Culturel, humaniste, économique, institutionnel ?
Un peu de tout ça. Mais par étapes. Pour l’aspect plus simultané, ce sera après.
Pourquoi ce choix de la Tunisie comme rampe de lancement ?
C’est de là qu’est parti le phénomène du Printemps Arabe. C’est un pays petit par la taille, comme la Lettonie, mais qui a eu une initiative incroyable. Rien que ça, ça donne envie de découvrir, d’essayer de comprendre. C’est un pays arabe qui a ses caractéristiques, comme tout pays arabe ou comme tout pays tout court. Le vrai professionnalisme serait de chercher à définir sa vraie nature. En Lettonie, nous n’en avons qu’une image limitée.
Ah oui ? Laquelle ?
C’est tellement simple que ça va être très rapide de répondre: les gens ne voient la Tunisie que comme un pays ensoleillé où il faut faire du tourisme. Anecdotique en fait…
À ce point-là ?
Oui. C’est pourquoi il est urgent de changer ça.
En fait vous vous faites un peu un travail de pionnier pour mieux ouvrir la Lettonie sur le monde arabe et l’Afrique ?
Peut-être (Sourire amusé et étonné). Je n’ai pas vu les choses sous cet angle. Mais inversement ce serait vraiment super si les Tunisiens étaient eux-mêmes les pionniers d’un partenariat avec les Lettons en Afrique. C’est tout à fait possible. Il suffit d’essayer.
On vous sent confiant ?
Objectif. Optimiste par principe. La Tunisie est une république. Et puis elle fait un apprentissage de la démocratie. Dans une phase d’apprentissage on est peu être un peu plus ouverts à des idées nouvelles… La Lettonie offre beaucoup de possibilités en échange : un point de chute en Europe, un marché dynamique, des capacités de décryptage géopolitique vis-à-vis de pays imposants comme la Russie qui a fait ces dernières années de plus en plus d’incursions dans le continent africain.
De quelle manière avez-vous organisé votre séjour en Tunisie ?
Sousse va être ma destination privilégiée, avec au second rang Tunis. Mais Monastir et Sfax m’intéressent également. Et pourquoi pas le Nord-Ouest si méconnu ?
Et après cette étape tunisienne, la suite du programme ?
Le Maroc, le Sénégal, la Côte d’Ivoire. S’il me reste un peu de temps, la Mauritanie.
Un mot de la fin pour nos lecteurs ?
Je sais que vos lecteurs ou internautes sont en très grande majorité Tunisiens. Alors, je commencerai par dire que je suis impatient de découvrir un pays qui a lancé une révolution de grande ampleur. Content de découvrir l’Afrique du Nord par cette introduction tunisienne. C’est un territoire qui me rend curieux car il a la particularité de se situer entre deux grands États par la superficie que sont l’Algérie et la Libye. Après, une autre motivation anime mon voyage, c’est celle de comprendre la route migratoire en général, sur laquelle est placée votre patrie, terre de transition et d’émigration en même temps.
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