L’État tunisien a aujourd’hui son académie diplomatique dénommée Académie diplomatique internationale de Tunis. Elle a été inaugurée, lundi 15 janvier 2024, par le président de la république et le ministre des Affaires étrangères de la Chine, en visite officielle à Tunis, accompagné de deux hauts responsables chinois, dans le cadre d’un périple dans certains pays africains. (Vidéo).
Par Raouf Chatty *
La Chine a financé en totalité la construction et l’équipement de cet établissement grâce à un don à la Tunisie d’environ 80 millions de dinars. C’est un événement qui mérite d’être mis en exergue. Il témoigne de la volonté des deux Etats de voir leur coopération dans tous les domaines portée à des niveaux supérieurs. C’est également un signal clair de la place qu’occupe la Tunisie dans la politique étrangère africaine de la Chine.
La Chine est de plus en plus présente en Afrique où elle investit dans des projets lui permettant de renforcer sa présence politique et économique sur le continent et de disputer leur influence aux États-Unis d’Amérique et d’autres superpuissances comme la Russie et l’Inde.
La volonté de donner visibilité et rayonnement à cette réalisation est perceptible dans la dimension que les deux pays ont voulu donner à cette académie, bâtie sur environ 16000 mètres carrés comprenant un ensemble de bâtiments : administration, amphithéâtres, salles de conférences, bibliothèque, médiathèque, restaurant, parking sous-terrain pour cent voitures, soit des édifices fonctionnels, dotés d’équipements modernes.
Nichée sur les hauteurs de Ras Tabia, à deux cents mètres du siège du ministère des Affaires étrangères dans le périmètre du campus universitaire El-Manar Farhat Hached, l’Académie s’imposera avec ses beaux bâtiments, comme une réalisation d’envergure bâtie par la Chine et offerte à la Tunisie.
Un nouvel instrument
L’Académie a une dimension nationale, régionale et internationale. Elle a sa personnalité juridique et son autonomie financière. Placée sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères, elle est dirigée par un directeur général nommé par le président de la république.
Des espoirs sont fondés sur le grand travail qu’elle accomplira pour accomplir au mieux ses missions dans ses domaines de compétence fixés par son statut, notamment la formation des agents de l’Etat et des entreprises publiques dans le domaine des relations extérieures, des langues étrangères, de la recherche, de la prospective en lien avec les relations internationales. L’Académie pourrait aussi jouer un rôle dans la formation de fonctionnaires d’autres pays. Elle devra cependant placer haut la barre et concevoir sa première mission non comme uniquement une école supérieure pour la formation au métier de diplomate dans un monde instable et en perpétuel changement, mais surtout comme un espace de réflexion et de conseil devant aider le président de la république et les autorités publiques à concevoir et à mettre en œuvre la politique étrangère de la Tunisie, à l’adapter de façon intelligente aux grandes mutations stratégiques et géopolitiques, et à doter ses auditeurs des meilleures ressources intellectuelles et compétences professionnelles afin qu’ils puissent servir du mieux possible les intérêts du pays.
Ce établissement ouvre ses portes au moment où tous les pays persuadés du rôle majeur que la diplomatie peut jouer sur la scène internationale pour aider à réduire les tensions, à régler les contentieux politiques, à construire la paix, à soutenir le dialogue, la coopération et l’entente entre les acteurs de la société internationale, et à contribuer au développement global.
Pôle de formation, d’études, de recherche et de prospective, les deux principaux organes de cette institution notamment son conseil consultatif doivent commencer par réfléchir en particulier à la philosophie qu’elle entend donner à son action, à sa feuille de route, à ses méthodes de travail, à ses relations avec les autres organismes impliqués dans la construction des relations internationales de la Tunisie tout comme avec les académies diplomatiques des autres pays.
Moins de bureaucratie, plus de visibilité
Pour ce faire, sa direction générale et ses organes directeurs, notamment son conseil scientifique, doivent travailler sur les meilleurs moyens de donner visibilité et efficacité à cette nouvelle institution, censée occuper une place de choix dans la politique internationale de la Tunisie et servir ses intérêts et son rayonnement à l’extérieur.
Une attention soutenue devra être accordée au choix des enseignements qui doivent être conçus sous forme de modules couvrant tous les aspects des relations internationales dans leurs dimensions historique, géopolitique, stratégique, économique, financier, technologique, et politique, avec une note particulière pour les débats et les échanges d’expériences.
Il faut toujours avoir à l’esprit que l’Académie est un espace ouvert pour la formation à la diplomatie et non une école avec des méthodes archaïques et révolues. Aussi une place importante doit-elle être donnée aux professionnels de la diplomatie et des relations internationales. Il est important de profiter de l’expérience des anciens diplomates et de les associer aux activités de cette institution.
L’académie doit surtout veiller à ne pas sombrer peu à peu dans la bureaucratie et de jouer pleinement son rôle dans la formation de diplomates tout terrain capables d’aider la Tunisie à reprendre sa place sur la scène internationale, de servir ses intérêts et d’être à la hauteur des enjeux et des défis de l’époque.
* Ancien ambassadeur.
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