Plus que jamais, une réactivation de l’Union du Maghreb arabe (UMA), mise à l’abri des manœuvres stériles et désintégratrices, est dans l’intérêt des peuples maghrébins, notamment la dizaine de millions de Maghrébins établis en Europe, qui font face aujourd’hui à la montée de l’extrême-droite xénophobe et raciste.
Elyes Kasri
Les Tunisiens établis en Europe ou en quête de régularisation de leur séjour sont en droit d’être inquiets sur leur avenir devant cette lame de fond xénophobe qui commence à se traduire par un tsunami politique commençant par les élections parlementaires européennes et devant aboutir, à l’instar de la France, à une reconfiguration du paysage politique européen de plus en plus hostile aux étrangers, surtout s’ils sont arabes, africains et musulmans.
Feu de brousse au cœur de l’Europe
Les Tunisiens remplissant toutes ces conditions, et en l’absence d’un lobby et de moyens économiques et diplomatiques suffisamment conséquents comme c’est le cas pour le Maroc et l’Algérie, risquent d’être les premières victimes de ce tsunami xénophobe d’autant plus que les responsables et un large segment de la classe politique tunisienne ont pu donner l’impression d’endosser les thèmes de l’extrême-droite européenne du grand remplacement, du complot ethnique et de la compromission raciale.
Maintenant que l’étincelle italienne commence à prendre l’allure d’un feu de brousse dans toute l’Europe, il urge de revisiter le discours et les options prises précédemment afin de limiter les dégâts aussi bien pour la Tunisie que pour ses ressortissants établis régulièrement et irrégulièrement en Europe.
C’est un bon signe que la Tunisie ait nommé l’ambassadeur Tarek Ben Salem, un diplomate intègre et chevronné, à la tête du secrétariat général de l’UMA, prenant ainsi ses distances avec les manœuvres qui, après avoir longtemps paralysé cette structure régionale, n’ont pas trouvé mieux que d’essayer vainement et pitoyablement de l’enterrer définitivement.
L’UMA devra prendre à bras-le-corps la problématique migratoire et coordonner avec les autres structures régionales africaines et l’Europe en vue de la recherche de solutions tenant dûment compte des vicissitudes de l’histoire, des contraintes de la géopolitique et des exigences de respect de la dignité humaine conformément aux chartes et conventions internationales relatives à la mobilité et aux droits humains.
Revoir la problématique migratoire
Les diplomaties nationales maghrébines et peut-être en premier lieu la diplomatie tunisienne n’ayant pas suffisamment évalué la nature du danger et la gravité des conséquences de la montée en force de l’extrême-droite européenne et sa traduction en politiques xénophobes, islamophobes, hyper-nationalistes avec des relents de haine raciale, il urge de procéder à une réévaluation sereine de notre approche de la problématique migratoire et de concevoir des visions, discours et méthodes de gestion multilatérale en dehors des blocages et de la cécité prédominante dans notre sous-région maghrébine qui est depuis des décennies la plus dysfonctionnelle en Afrique et peut être même dans le monde entier.
Plus que jamais, une réactivation de l’UMA, mise à l’abri des manœuvres stériles et désintégratrices, est dans l’intérêt des peuples maghrébins, notamment la dizaine de millions de Maghrébins établis en Europe, et un élément potentiellement moteur de l’édification d’une Afrique émergente et solidaire et un pont de stabilité, de coopération et de co-développement entre l’Afrique et l’Europe.
J’espère de tout cœur que mon ami et collègue Tarek Ben Salem bénéficiera d’un soutien suffisamment sincère et ferme de la part de son pays et des autres pays maghrébins pour faire de son mandant à la tête de l’UMA un tournant dans l’histoire de notre région et un pas vers la matérialisation du rêve des pères de l’indépendance et des peuples du Maghreb.
* Ancien ambassadeur.