Kaïs Saïed, qui brigue un second mandat de cinq ans, défend son bilan politique et économique et promet de nouvelles réalisations, malgré le travail de sape des lobbys d’intérêt, qui sabotent le travail de l’Etat. Droit dans ses bottes, il menace «les voleurs et les traitres» et annonce à demi-mot des purges à venir. Vidéo.
Imed Bahri
Dans un discours à l’adresse des Tunisiens, prononcé jeudi soir, à l’occasion de la Fête de la République, proclamée le 25 juillet 1957, le président de la république Kaïs Saïed a déclaré, que la Tunisie a connu ces dernières années d’importants rendez-vous avec l’histoire, en particulier depuis le 25 juillet 2021, date à laquelle il avait proclamé l’état d’exception et pris en main la totalité des pouvoirs dans le pays.
Ces «importants rendez-vous avec l’histoire», présentés comme de grandes réalisations, sont, selon lui, une consultation nationale et un référendum sur une nouvelle constitution, adoptée en 2022, suivis de l’organisation des élections des membres de l’Assemblée des représentants du peuple et plus tard ceux du Conseil national des régions et des districts. Dernier rendez-vous électoral devant sceller définitivement la mise en œuvre de son projet d’assainissement politique et de libération nationale : la présidentielle qui se tiendra le 6 octobre 2024 et qui lui permettra de rempiler pour un second mandat de cinq ans.
La Tunisie a aussi réalisé, grâce à ses choix nationaux et à ceux de son peuple, de biens meilleurs résultats que ceux obtenus auparavant et ce, en s’appuyant sur ses propres moyens et ressources et en rejetant les diktats de l’étranger et les exigences imposées par des instituions qui ont cru pouvoir placer la Tunisie sous leur tutelle, a déclaré Saïed, faisant surtout allusion au Fonds monétaire international (FMI) ayant requis des réformes structurelles contre un prêt de 1,9 milliard de dollars que le nouveau régime n’est pas disposé à mettre en œuvre, eu égard leur coût social.
Parmi les réalisations de son régime sur le plan économique, le président Saïed a cité un taux d’inflation maîtrisé, qui se situe tout de même autour de 7%, et une balance commerciale alimentaire enregistrant un excédent jusqu’à la fin du mois de juin dernier, en raison notamment d’une conjoncture favorable ayant vu les recettes des exportations d’huile d’olive connaître une hausse considérable. Il a cité aussi des réserves de change ayant atteint 113 jours d’importation et qui devront augmenter encore, grâce notamment à la hausse des recettes du tourisme et des envois des expatriés, qui connaissent une hausse conjoncturelle à pareille période de l’année.
Ces lobbys qui ne veulent pas du bien au pays
Ces indicateurs ne cachent, cependant, pas l’ampleur des défis que chacun doit relever par le travail, a cependant admis le président de la république, sans s’attarder sur ces défis, dont notamment un déficit de la balance commerciale globale en croissance continue, une dette extérieure qui s’élève à 80% du PIB, un taux de chômage dépassant 15% (voire 40% chez les jeunes et dans certaines régions), une croissance atone estimée officiellement à 0,4% en 2023, des entreprises publiques souffrant en majorité de mauvaise gouvernance et de déficits chroniques, etc.
Ces difficultés, le président de la république les balaie d’un revers de la main : «Nous sommes persuadés de pouvoir les surmonter et de les vaincre», a-t-il soutenu, d’autant qu’il semble convaincu d’être pour quelque temps encore à la tête de l’Etat, ce dont témoigne le ton ferme et solennel de son discours, où il défend son bilan et impute tout ce qui ne marche pas dans le pays à ses adversaires politiques qui seraient, à l’en croire, tapis au cœur même de l’administration publique, adossé à, des lobbys d’intérêt qui ne veulent pas du bien au pays.
Tout en réaffirmant son «engagement à redoubler d’efforts et de sacrifices pour que la Tunisie demeure libre et indépendante avec une seule souveraineté, celle du peuple», le locataire du Palais de Carthage, qui avait annoncé dernièrement sa candidature à l’élection présidentielle du 6 octobre, a rappelé qu’en accédant au pouvoir, il a trouvé «un lourd héritage» et une situation catastrophique, ce qui a exigé de lui patience et prudence pour y remédier, en préservant la paix sociale et la sécurité nationale. Il a ajouté que pour relever les défis et surmonter les obstacles rencontrés, il a dû également agir pour démanteler les réseaux organisés qui sévissent au sein des appareils et institutions de l’État. «Ces réseaux ont entravé le fonctionnement des différentes institutions, ce dont témoignent les coupures délibérées de l’eau potable et de l’électricité ainsi que le refus de fournir les services et de satisfaire les besoins des citoyens». Il a aussi évoqué, sacrifiant comme à son habitude à la théorie du complot, «le blocage systématique de nombreux projets malgré la disponibilité des fonds qui leur sont alloués». Et de souligner que «le démantèlement des réseaux de corruption, la poursuite en justice des personnes corrompues et le rétablissement des droits légitimes des démunis sont des choix incontournables, telle est la volonté du peuple».
Plus de place pour les voleurs ou les traitres !
Le président a affirmé, dans ce même contexte, que nombre de responsables, dans cette situation difficile et délicate, n’ont pas rempli leur devoir envers la patrie et n’ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités, précisant qu’il a dû intervenir à plusieurs reprises auprès de responsables régionaux pour la levée des déchets ménagers ou l’ouverture d’un bureau de poste, des tâches censées être réalisées sans aucune intervention de qui que ce soit.
«La situation que nous vivons aujourd’hui est sans précédent. C’est un conflit entre un nouveau système politique et un système qui n’a pas été entièrement démantelé», a martelé le président, laissant entendre qu’une purge sera menée au sein de l’Etat pour en éjecter les éléments qui, selon lui, feraient obstacle à la mise en œuvre de son projet de «libération nationale».
«La prochaine étape sera celle d’une nouvelle république que nous construirons ensemble et où il n’y aura pas de place ni pour les voleurs, ni pour les traitres. Le peuple tunisien veut décider de son propre destin», a martelé Saïed, en réaffirmant, avec la solennité habituelle, le soutien inconditionnel de la Tunisie au peuple palestinien et le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et à l’établissement de leur Etat indépendant sur l’ensemble de leur territoire avec pour capitale Al-Qods Al-Charif.
Avec Tap.