Tunisie : Kamel Maddouri réussirait-il là où ses prédécesseurs ont échoué ?

Le nouveau Premier ministre fait face à un sérieux challenge, qui consiste à adapter les politiques libérales imposées par les engagements de la Tunisie envers ses bailleurs de fonds internationaux… aux exigences vaguement socialisantes du président de la république candidat à sa propre succession.

Imed Bahri

Kamel Maddouri n’a pas encore présenté le programme de son gouvernement devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), comme cela devrait normalement se faire, mais des premiers conseils ministériels qu’il a présidés jusque-là se dégagent déjà ses priorités et ses urgences.

Le nouveau chef du gouvernement a, en effet, insisté sur la nécessité de «renforcer davantage l’efficacité de l’action gouvernementale, notamment en ce qui concerne l’accélération du rythme des réformes et la réalisation des projets», comme le souligne un communiqué publié hier, jeudi 15 août 2024, rendant compte de la réunion du Conseil des ministres, à la Kasbah, qu’il a présidé «au nom du président de la république, Kaïs Saïed», comme le précise le communiqué.

Dans cette formulation, Il y a comme un reproche de manque d’efficacité fait aux précédents gouvernements dans la mise en œuvre des réformes et des projets. Et c’est à ce manque d’efficacité que M. Maddouri espère ou promet ou se donne pour mission de remédier. Reste que beaucoup des membres du cabinet qu’il préside faisaient partie des précédents gouvernements et on ne sait pas s’ils vont eux-mêmes changer pour devenir plus efficaces ou… s’ils vont être changés, c’est-à-dire remplacés par plus compétents qu’eux, ce qui serait plus logique.

Plus de bicéphalité

La formulation du communiqué insiste aussi sur la distribution des rôles au sein du pouvoir exécutif où le président de la république incarne désormais le pouvoir suprême et le Premier ministre est confiné dans un rôle d’exécutant des orientations et des politiques décidées par le chef de l’Etat.

En d’autres termes, il n’y aura plus de place pour un pouvoir bicéphale comme on en a connu avant le 25 juillet 2021 avec son lot de coups bas et de luttes fratricides. Et cela M. Maddouri l’a bien compris et tient à le faire savoir pour parer à tout malencontreux malentendu à ce sujet.

Désormais, le chef de l’Etat n’est responsable que des choix et des orientations (il dit ce qui doit être), et c’est au Premier ministre d’assumer la lourde tâche de les réaliser (il doit trouver la méthode, le tempo et les moyens avec, en sus, une obligation de résultats).

Le nouveau Premier ministre, qui a un profil de commis de l’Etat presque apolitique, si tant est qu’un chef de gouvernement puisse être apolitique, a également souligné que parmi les priorités de l’équipe gouvernementale qu’il dirige figurent «la stimulation de l’investissement, la création d’emplois et le renforcement des politiques et programmes visant à consacrer le rôle social de l’État», et ce «conformément aux orientations et aux choix définis par le président de la république», insiste le communiqué.

Quadrature du cercle

Là aussi, M. Maddouri délimite les priorités qu’il donne au travail de son cabinet : relancer l’investissement qui stagne dangereusement depuis 2011, parce qu’il est le principal levier de relance de la croissance et de l’emploi, lesquels sont censées être les principales préoccupations de tout Premier ministre qui se respecte et les principaux indicateurs de performance sur lesquels son bilan sera jugé au terme de sa mission.

Maddouri délimite aussi son champ d’action : il se donne pour mission de mettre en œuvre les «orientations et choix définis par le président de la république», et, parmi ces choix, «le renforcement des politiques et programmes visant à consacrer le rôle social de l’État». Et c’est là où sa tâche se complique et où il doit faire preuve de flexibilité et d’inventivité pour réussir là où tous ses successeurs ont échoué, à savoir adapter les politiques libérales imposées par les engagements internationaux de la Tunisie envers ses bailleurs de fonds aux exigences vaguement socialisantes du président de la république.