Présidentielle tunisienne : les malheurs de Ayachi Zammel

A-t-il maudit le jour où il pensé se porter candidat à la présidence de la république ? Pas sûr, mais les faits sont là : Ayachi Zammel a vu son destin basculer et la porte de la prison s’ouvrir devant lui depuis le jour où s’est mis dans la tête qu’il pouvait briguer la magistrature suprême.

Imed Bahri

L’homme d’affaires, dirigeant d’une usine de concentré de tomate à Siliana, petite ville du centre-ouest de la Tunisie, a fondé il y a quelques années un petit parti appelé Azimoun (que l’on peut traduire par «Décidés» ou «Déterminés») avec l’idée de profiter de la transition démocratique dans le pays pour s’y frayer une place sur l’échiquier politique. A-t-il trop surestimé ses chances d’accéder à la présidence de la république au point de s’engager sans filet dans une course qui va s’avérer plus dangereuse que prévu ?

Une campagne électorale qui vire au cauchemar

En tout cas, après avoir bien commencé pour lui avec l’acceptation de son dossier de candidature par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), qui en a pourtant rejeté beaucoup d’autres, présentés par des candidats autrement plus expérimentés et familiers des joutes électorales, ce qui devait être sa campagne électorale a rapidement viré au cauchemar avec des arrestations, des gardes à vue, des interrogatoires et des poursuites judiciaires pour falsification des parrainages populaires dans son dossier de candidature. Des citoyens auraient porté plainte contre lui (ainsi que des membres de sa campagne) pour l’utilisation de leurs données personnelles sans leur consentement dans son dossier de candidature afin de compléter le nombre de parrainages exigés, qui est de 10 000.

Coupable ou innocent? Pour les avocats de Zammel, il s’agit d’une méprise voire d’affaires montées de toutes pièces pour l’empêcher de concourir face au président sortant, Kaïs Saïed, qui est candidat à sa propre succession. Les juges, quant à eux, n’en démordent pas : il y a eu faux et usage de faux, donc falsification et manipulation d’électeurs, et la loi électorale est intransigeante à ce sujet.    

L’homme d’affaires, qui est incarcéré depuis quelques jours dans une prison à Jendouba, doit répondre de plusieurs affaires portées contre lui et comparaître le 11 septembre devant le tribunal de première instance de Jendouba, le 19 septembre devant le tribunal de première instance de Tunis et, le même jour, devant le tribunal de première instance de Manouba.

Pour ne rien arranger, ce feuilleton judiciaire risque de se prolonger encore pour lui, puisque selon les avocats de Zammel, cinq nouveaux mandats de dépôt ont été émis contre leur client, hier, lundi 9 septembre, par le ministère public auprès du tribunal de Siliana, et il doit comparaître devant ce tribunal le 12 septembre.

Quel que soit le sort qui sera réservé au candidat par une justice de plus en plus expéditive, il devient évident qu’il n’est plus, de fait, dans la course à la présidentielle, aux côtés de Kaïs Saïed, et de Zouhair Maghzaoui, candidat du mouvement Echaâb, et qu’il est désormais plus proche de la prison centrale de Mornaguia, où croupissent déjà plusieurs ex-candidats à la présidence, que du Palais de Carthage. En effet, et selon la loi n° 161 nouvelle du Code électoral, Zammel risque entre deux et cinq ans de prison ferme et une amende de 2000 à 5000 dinars.

Ce serait vraiment très chèrement payé pour ce second couteau que le vide politique créé par le «processus du 25 juillet 2021» (date de la proclamation de l’état d’exception par Saïed) a propulsé sur les devants de la scène, et qui y est allé sans filet porté par un mélange explosif de détermination, d’ambition et d’ingénuité.