Syrie : La fin d’une dictature n’est pas toujours l’entrée dans une ère de liberté 

On ne peut que se réjouir avec le peuple syrien de la fin de la dictature de la dynastie des Assad. Cependant, au-delà de cette réaction de joie légitime, plusieurs facteurs incitent à  l’inquiétude pour l’avenir de ce pays et de l’ensemble de la région.

Mohamed Cherif Ferjani *

D’abord, la fuite d’Assad et des siens n’est pas le fait du soulèvement du peuple syrien qui a assisté à l’avancée de la HTS, soutenue par la Turquie, les Américains et leurs alliés occidentaux des pétro-monarchies du Golfe.

Contrairement à ce qui s’est passé en 2011 où on a assisté à un soulèvement du  peuple syrien, cette fois, les troupes de la HTS ont été les seuls acteurs internes de la fin du régime baathiste avec le soutien de leurs alliés extérieurs.

Ce sont les objectifs des artisans, intérieurs et extérieurs, qui risquent de déterminer l’avenir de la Syrie au détriment des aspirations du peuple syrien avec toutes ses composantes.

Ensuite, la fin du régime baathiste n’est pas sans rapport avec l’offensive israélienne à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, mais aussi en Syrie, avant et après la fuite d’Assad, avec le soutien des Etats-Unis, des puissances européennes et la complicité des pays arabes qui n’ont rien fait pour soutenir les peuples palestinien, libanais et syrien.

Enfin, le contexte international est malheureusement défavorable à une issue démocratique où que ce soit, en Syrie, dans l’ensemble de la région et partout dans le monde : le néolibéralisme et la révolution conservatrice sont aujourd’hui plus forts que jamais, notamment avec la réélection de Donald Trump aux Etats-Unis et la montée partout de l’extrême-droite et des mouvements identitaires qui sont autant d’expressions de la révolution conservatrice portée par le néolibéralisme.

Tous ces facteurs militent pour l’interprétation de ce qui se passe en Syrie comme la fin de la dictature des Assad, dont il faut se féliciter, et une perte d’influence pour la Russie et l’Iran, plus qu’une victoire de la démocratie et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

La sortie d’une dictature n’est pas toujours, hélas !, synonyme d’entrée dans une ère de liberté et de progrès.**

* Professeur honoraire des universités et militant de gauche en Tunisie et en France.

** Ce qui s’est passé au lendemain du Printemps arabe en Libye, en Egypte, au Yémen, en Syrie et même en Tunisie, où les processus démocratiques sont bloqués, en est la preuve (La rédaction).

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