Jean-François Kahn, journaliste et intellectuel engagé, est décédé le 23 janvier 2025 à l’âge de 86 ans, laissant derrière lui un héritage marqué par sa vision audacieuse et non-conformiste du journalisme.
Fils du philosophe Jean Kahn, Jean-François a grandi dans un environnement intellectuel stimulant qui a largement influencé son parcours professionnel et ses idées. Tout au long de sa carrière, il a défendu l’indépendance de la presse et a constamment refusé les pressions politiques et économiques qui tentent de modeler la pensée dominante.
Sa carrière débute dans les années 1960, alors qu’il est témoin de grandes révolutions mondiales et d’événements marquants comme la guerre d’Algérie, la guerre du Vietnam, l’affaire Ben Barka, ou encore le printemps de Prague et la chute de Salvador Allende. Très tôt, il s’engage dans des combats intellectuels qui le mènent à écrire pour de grands titres comme Paris-Presse, Le Monde, L’Express, et Le Nouvel Observateur où il s’illustre par sa rigueur et son esprit critique.
En 1984, il fonde L’Événement du Jeudi, une publication qui se distingue par son ton engagé et sa volonté de rompre avec les idées reçues. Cependant, c’est en 1997 qu’il marque véritablement l’histoire des médias français en cofondant l’hebdomadaire Marianne. Sous sa direction jusqu’en 2007, Marianne devient un symbole de journalisme indépendant, connu pour son regard acéré sur la politique, la société et les grands enjeux contemporains. Kahn y a prôné une ligne éditoriale qui ne se laisse jamais contraindre par les logiques du pouvoir ou de l’argent.
Au-delà de sa carrière de journaliste, Kahn était un homme de convictions, fermement opposé au libéralisme économique. Il a été un critique acerbe des interventions militaires de l’Otan, notamment en Serbie en 1999 et en Irak en 2003. Il s’est également opposé à la mondialisation économique et a toujours défendu des idées en marge des discours dominants.
En 2007, il soutient la candidature de François Bayrou à la présidentielle, un choix politique qui illustre une nouvelle fois sa volonté de faire entendre des voix dissidentes dans un paysage politique souvent réducteur. Sa position contre le rachat de Marianne par Pierre-Edouard Stérin en 2024 témoigne de son engagement à défendre les valeurs qui ont guidé toute sa carrière.
Kahn a aussi publié plusieurs ouvrages, parmi lesquels La guerre civile (1982), Les Français sont formidables (1987), La pensée unique (2000) et Comme deux frères : mémoire et visions croisées (2006), coécrit avec son frère Axel Kahn. Ces livres, qui abordent des questions de société, d’économie et de politique, illustrent sa volonté de remettre en question les dogmes et de promouvoir une pensée critique.
À travers ses écrits et ses engagements, Kahn a laissé une empreinte indélébile sur le journalisme français. Il restera une figure de proue de l’indépendance intellectuelle, refusant de se soumettre aux attentes ou aux pressions du système, et un défenseur infatigable de la liberté de la presse. Son décès marque la fin d’une époque, mais son héritage continue de nourrir les débats intellectuels et journalistiques d’aujourd’hui.
Djamal G.
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